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discrètement aux inconvéniens et dangers de certaines éventualités, de celle notamment où la France se verrait forcée de chercher ses alliés parmi les états hostiles à l’Autriche… La communication, dans tous les cas, ne manquait pas de sérieux, et les termes en étaient pressans ; mais M. le duc de Gramont n’avait pas encore eu le temps d’en calculer l’effet et d’en poursuivre les développemens, lorsque surgit subitement une complication tout à fait inattendue, qui prit d’abord toutes les allures d’un événement, qui ne tarda pas à perdre son caractère de gravité, mais qui suffit pour rejeter sur l’arrière-plan, pendant plusieurs semaines, la question brûlante du moment, et porter le premier trouble dans l’harmonie, jusqu’alors assez bien maintenue, des relations entre la France et l’Autriche.

Dans cette entrevue de Gastein dont on vient de parler, la question polonaise ne fut pas la seule débattue entre les deux souverains : la réforme des institutions fédérales de l’Allemagne y devint également le sujet d’une discussion où l’entente ne put s’établir. L’empereur d’Autriche ayant fait connaître son dessein de convoquer les princes d’Allemagne à Francfort pour y délibérer sur les modifications à apporter à la constitution du Bund, le roi de Prusse fit des objections à un pareil projet et n’hésita même pas à le déclarer impraticable pour le moment. Néanmoins, et le soir même du départ de l’empereur (3 août), un aide-de-camp remettait au roi Guillaume Ier une lettre contenant l’invitation officielle de se rendre le 16 du mois à Francfort : c’est sous cette forme, quelque peu inusitée et médiocrement déférente, que François-Joseph signifiait au souverain de Prusse sa résolution bien arrêtée et déjà en voie d’exécution. — Avec une fermeté et une promptitude qui ne sont guère dans ses traditions, la cour de Vienne poussa l’œuvre si brusquement improvisée. — Adressée à tous les souverains et aux villes libres de la confédération germanique, la lettre de l’empereur causa partout la même surprise qu’à Gastein, mais produisit d’abord un effet entraînant, et, à l’exception du roi de Prusse, aucun des princes de l’Allemagne ne crut pouvoir manquer à l’appel parti de Vienne. L’Autriche déployait donc le drapeau de la grande patrie allemande. Cette œuvre ardue de la constitution de l’unité germanique, qui jusqu’ici avait semblé être la vocation spéciale de la Prusse, constituer son principal mérite, sa destinée providentielle et sa mission piémontaise[1] aux yeux des patriotes littérateurs et zélés partisans du National Verein, le fils des Habsbourg l’entreprenait pour

  1. Voyez, dans la Revue du 1er décembre 1862 et du 15 janvier 1863, l’Agitation unitaire en Allemagne et le Régime constitutionnel en Prusse.