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les trois règnes, soit qu’ils aient porté leurs regards vers le ciel, ou que, moins hardis, ils se soient bornés à foire sentir l’utilité des applications industrielles, ces illustres maîtres ont eu pour but de rendre la science populaire, et ont orné leurs écrits, déjà si nets et si clairs, de tous les charmes du style. Après eux, deux vulgarisateurs non moins célèbres, unis déjà par les liens de l’amitié, Humboldt et Arago, ont chacun, dans une voie différente, mais heureusement tous les deux, continué l’initiation des profanes à tous les arcanes de la science. C’est ce même mouvement qui se poursuit aujourd’hui, un peu au hasard il est vrai. L’armée des vulgarisateurs est sans chef, les soldats qui la composent sont eux-mêmes indisciplinés, ayant plus de bonne volonté que de science. Toutefois ils rendent des services aux ignorans et aux savans eux-mêmes, on ne saurait le nier, et c’est merveille de voir avec quel empressement les accueille un public toujours bien disposé et surtout avide d’apprendre. En temps ordinaire, c’est dans la presse quotidienne et dans quelques recueils spéciaux que les vulgarisateurs se font entendre. Aux approches du 1er janvier, ils abordent le livre, le livre du plus grand format, avec des illustrations dues aux meilleurs artistes. La mode s’en est mêlée, et les derniers mois de l’année 1864 ont vu fondre une véritable avalanche de ces livres de science vulgarisée. Nous allons en choisir quelques-uns et faire connaître sans détours les qualités comme les défauts qui les distinguent.

En premier lieu, citons le Ciel. La grandeur du sujet et le caractère bien connu déloyauté scientifique de l’auteur, M. A. Guillemin, méritent cette distinction au livre, qui d’ailleurs se recommande aussi par une véritable impression de luxe, un format exceptionnel et des dessins coloriés qui font la joie des amateurs. À cet ouvrage, qui n’a d’égal que l’Astronomie populaire d’Arago, et qui la laisse même derrière lui pour certains détails d’exécution (ceci soit dit sans vouloir offenser le moins du monde la mémoire de l’illustre savant), à cet ouvrage ont collaboré tous les grands noms de l’astronomie moderne. En Angleterre, ce sont surtout sir J. Herschel, l’amiral Smyth, Lassell et Warren de La Rue, en Allemagne Littrow, en Russie Struve, Bond aux États-Unis, en France MM. Le Verrier, Chacornac, Laussedat, Goldschmidt, etc. Tous ont aidé l’auteur de leurs conseils et de leur bienveillant concours. Mémoires originaux, dessins, photographies, ont été mis à sa disposition ; à Paris, l’Observatoire impérial lui a été généreusement ouvert. Encouragé, soutenu jusqu’au bout par de tels appuis, M. A. Guillemin s’est mis courageusement à l’œuvre. Avec une patience qui ne s’est pas démentie un instant et un soin consciencieux de la vérité auquel on ne saurait donner trop d’éloges par ce temps de productions hâtives, il a mené son œuvre à bonne fin. La jeunesse, les gens du monde, justifiant le cœlum tueri d’Ovide, peuvent désormais regarder le ciel et y découvrir quelque chose, grâce aux notions d’astronomie rendues accessibles à tous dans ce livre remarquable. Le soleil, les planètes et les comètes, les étoiles et les nébuleuses, enfin les grandes lois de l’astronomie,