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c’était, aux yeux de ceux qui la pratiquaient, un procédé sérieux et profondément religieux. Elle consistait proprement à faire des dieux, c’est-à-dire à obtenir par de certains rites que les dieux descendissent en réalité dans leurs images, et non-seulement dans leurs images de bois et de métal, mais aussi dans les hommes eux-mêmes, qui devenaient alors des idoles vivantes de telle ou telle divinité. On voit tout de suite quel parti pouvait tirer de ce procédé, d’ailleurs très ancien, une philosophie qui visait à replonger l’homme dans cette unité divine d’où il était sorti. Avant Jamblique, l’école néoplatonicienne n’avait point pratiqué la théurgie. Plotin admettait, il est vrai, une certaine magie. Partant de cette idée que tous les êtres de l’univers vivant au sein de l’âme générale étaient liés par une sympathie réciproque, il disait que les magiciens étaient capables de rapprocher les natures qui ont un amour inné les unes pour les autres, et cela au moyen de chants, d’invocations, de paroles, de figures, d’attitudes. Il ajoutait néanmoins que les enchantemens et les philtres étaient sans vertu sur l’âme du sage, et que celui-ci ne pouvait être ensorcelé et n’avait pas besoin d’être charmé, son identification avec l’être premier étant opérée et consommée par la seule extase. Porphyre pensait à peu près de même : il enseignait qu’il n’appartient qu’à la philosophie de nous unir avec le Dieu suprême, et il n’attachait à la théurgie qu’une importance secondaire ; mais Jamblique et l’auteur, quel qu’il soit, du livre sur les Mystères égyptiens firent un pas de plus. Sans s’arrêter à la philosophie, ni à la contemplation, ni même à l’extase, ils établirent ou crurent établir par le moyen du raisonnement que le pouvoir de nous unir à Dieu réside uniquement dans la vertu hiératique ou théurgique.

Proclus se jeta, lui aussi, dans ces voies qui n’étaient plus celles de la science. Incontestablement Proclus est un philosophe de forte race : à une immense érudition, à la science de tout ce qu’on pouvait savoir de son temps, aux talens de l’écrivain, du versificateur et même du poète, il joint la vigueur de la réflexion et une rare puissance de combiner les idées et de coordonner les diverses parties d’un système. En même temps il a la prétention de concilier toutes les religions entre elles et avec la philosophie. Il va jusqu’à dire que le philosophe doit être le pontife de l’univers. Or, tandis qu’il travaille à cet accord de tant d’élémens divers, d’évidentes prédilections l’entraînent d’une part vers le platonisme, de l’autre vers les oracles chaldéens où Dieu était représenté comme un abîme. Ce sont bien là les deux termes que surtout il s’efforce de réunir et de mettre en harmonie. Il répétait que, s’il en était le maître, il ne laisserait circuler que le Timée de Platon et les oracles de Zoroastre. Là