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Christian IX d’une révolution que la Prusse demandait à entrer dans ses états ; c’était pour le faire reconnaître « indirectement » comme souverain du Holstein qu’elle pressait l’exécution ! Il a été donné au ministre de la philosophique et transcendante Prusse, de trouver de la sorte un pendant précieux au célèbre axiome de Descartes, un principe qu’on pourrait formuler par ces mots : je dépouille, donc je reconnais ! Et, chose curieuse, cette thèse incroyable vint assaillir le cabinet de Saint-James de divers côtés à la fois, de Vienne par exemple et même de Saint-Pétersbourg ! « Le comte Rechberg, écrivait lord Bloomfield en date du 26 novembre, ne voit plus la possibilité d’arrêter l’exécution ; bien au contraire, son excellence est maintenant convaincue que plus on hâtera l’exécution et mieux cela vaudra tant pour le Danemark que pour le Holstein, qu’on empêchera ainsi de devenir la proie de l’anarchie et de la confusion. La présence des troupes régulières agissant au nom de la confédération germanique contribuera plus que toute autre chose à maintenir l’ordre et l’autorité dans ce duché jusqu’à l’époque où le différend sera complètement vidé… » De son côté, lord Napier mandait le 1er décembre de Saint-Pétersbourg : « Le langage du prince Gortchakov me fait croire qu’il est persuadé que M. de Bismark a des vues modérées dans cette question. Le vice-chancelier est disposé à considérer une exécution fédérale, si elle est bien conduite (if properly managed), comme une mesure conservatrice, comme le moyen de procurer une satisfaction légitime au parti modéré en Allemagne et de décourager ainsi les desseins de la secte révolutionnaire. Dans l’opinion du prince, les troupes fédérales, agissant d’après des instructions judicieuses, assureraient l’ordre, et maintiendraient la distinction nécessaire entre la question législative et la question dynastique… »

Assurément ce langage du prince Gortchakov était significatif : il prouvait que les trois cours du Nord « pensaient et agissaient en harmonie parfaite, » plus parfaite même que ne voulut jamais l’admettre le cabinet de Saint-James, qui demeura jusqu’au bout persuadé que la Russie n’avait cessé de lui prêter « un loyal concours. » Quoi qu’il en soit, la triple argumentation de Berlin, de Vienne et de Saint-Pétersbourg ne manqua pas. d’émouvoir lord John Russell. S’il pouvait en effet contenter le parti « modéré » en Allemagne, laisser occuper le Holstein, laisser la Prusse mener à bien sa demi-mesure, — puis discuter sur le reste, exercer la médiation qu’il tenait toujours à la disposition du Bund !… Et au fait la diète fédérale, qui s’obstinait à repousser de son sein le plénipotentiaire de Christian IX, ne serait-elle pas forcée de reconnaître ce même souverain en se transportant chez lui, en occupant son