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cabinet de Pékin que le parti de la guerre compromet l’existence même du gouvernement, et que, toute résistance étant désormais inutile, l’intérêt de sa propre conservation le force à se soumettre.

« Toute autre marche à suivre n’amènerait, nous en sommes persuadés, mon collègue et moi, que des lenteurs qu’il faut éviter, et une démarche faite par nous auprès du gouvernement chinois avant qu’il ait perdu le souvenir de ses succès à Takou ne serait considérée par lui que comme un acte de faiblesse ou de crainte de notre part, qui le rendrait plus arrogant encore et plus aveugle qu’il ne l’est déjà sur ses véritables intérêts.

« Nous comptons, lord Elgin et moi, nous rendre devant l’embouchure du Peï-ho lorsque les deux expéditions s’approcheront des forts de Takou, afin d’être prêts à remonter jusqu’à Tien-tsin dès que vous voudrez bien nous faire connaître que la route est ouverte. »

Un conseil de guerre fut tenu à Tche-fou le 19 juillet pour l’exécution de ce plan. Il y fut décidé que le départ des troupes alliées aurait lieu sans retard, et que les escadres se mettraient en marche le 26 pour le rendez-vous, qui était fixé à quelques milles de l’embouchure de la rivière Peh-tang, à portée de l’endroit choisi pour le débarquement. Ces dispositions furent ponctuellement exécutées. Le 28 juillet, les deux escadres étaient mouillées au poste qui leur avait été assigné ; le 30, elles se rapprochèrent du rivage ; le 1er août, les troupes formant le premier corps de débarquement furent mises à terre et se portèrent sur Peh-tang. Il suffit d’une reconnaissance d’avant-garde pour occuper un fort que les Chinois avaient prudemment évacué, et où l’on ne trouva que deux canons en bois cerclés de fer. Le lendemain, 2 août, le petit corps d’armée entra sans résistance dans le village de Peh-tang, qui devint la base des premières opérations.

Les ministres des États-Unis et de Russie, M. Ward et le général Ignatief, se trouvaient devant Peh-tang en même temps que les escadres alliées. Ils étaient là comme simples spectateurs pour observer les événemens, et au besoin pour jouer le rôle d’intermédiaires amiables dans le conflit. Le 31 juillet, le général Ignatief vint voir le baron Gros et l’entretint d’une communication qui lui avait été adressée par le vice-roi du Chih-li, Hang, communication identique, au fond et dans les termes, à la réponse qui avait été faite à l’ultimatum de M. de Bourboulon. Hang ne comprenait pas que les Français prissent part à des actes d’hostilité, puisqu’ils n’étaient pas en 1859 à l’affaire de Takou ; il annonçait que le négociateur français et même le ministre anglais pouvaient se rendre à Pékin par la route de Peh-tang. C’était la répétition de la tactique essayée déjà à Shang-haï pour établir une différence de situation entre les deux puissances alliées et pour donner au gouver-