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montré dur et sévère, autant le baron Gros s’appliqua à être courtois et même respectueux pour le prince Kong, qui parut lui en savoir gré. Il était évident que, depuis la destruction du palais d’été, les deux ambassadeurs n’avaient plus les mêmes sentimens ni le même langage. Sans être contraires, leurs attitudes étaient visiblement différentes. L’alliance diplomatique se maintenait pour l’intérêt commun ; mais dans la forme la bienveillance naturelle et la modération du baron Gros contrastaient avec la morgue britannique, que la raideur de lord Elgin poussait volontiers jusqu’à l’insulte.

Ce contraste se prolongea jusqu’à la dernière heure. Le général Montauban et sir Hope Grant étaient très pressés d’opérer leur mouvement de retraite. L’hiver commençait ; il était déjà tombé de la neige. Chaque jour perdu rendait plus difficile la marche des troupes et des convois. De leur côté, les amiraux déclaraient que l’approche de la saison des glaces et des coups de vent dans le golfe du Pe-tchi-li devait faire hâter autant que possible l’époque du rembarquement et le départ des escadres pour le sud. En conséquence, la date de la mise en marche des troupes alliées campées devant Pékin avait été fixée au 1er novembre ; mais lord Elgin, toujours défiant, ne voulut point quitter la capitale avant d’avoir entre les mains un décret impérial prescrivant la promulgation du traité dans toutes les provinces de la Chine. L’empereur étant à Jehol, ce décret pouvait se faire attendre quelques jours. Le général Montauban n’admit point cette cause de retard, et partit, comme il l’avait annoncé, le 1er novembre, laissant à Pékin un bataillon de garde pour le baron Gros, qui avec raison ne se souciait point que son collègue, dont il lui était permis de redouter les ardeurs, restât seul en présence des Chinois ; Sir Hope Grant, obtempérant à l’invitation de l’ambassadeur anglais, suspendit son mouvement. Le décret impérial ayant été transmis par le prince Kong, aucun prétexte ne