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tous, comme ces clubs dont les processions aux flambeaux troublent toutes les nuits les rues de la ville. Quand deux clubs ennemis se rencontrent, ils s’arrêtent l’un devant l’autre, se provoquent, luttent de grognemens, de sifflets, de cris étranges, et se séparent après quelques coups de bâton. Hier soir, tout dormait, quand un vacarme d’instrumens à vent a retenti dans la rue. C’était le Norwegian-Union-Club qui venait sérénader Long John Wentworth à l’hôtel Tremoht, où ce grand citoyen a l’habitude de jouer au billard jusqu’à une heure avancée de la nuit. La longue file de torches et de lanternes a stationné quelque temps sous nos fenêtres, poussant en cadence des hip ! hip ! hurrah ! en l’honneur de John. Les démocrates, groupés sur les trottoirs et dans les rues voisines, répondaient par des hisses et des cheers pour Mac-Clellan. Une bande de gamins se rua sur la procession, quelques coups de pied et quelques brûlures de torches allumées les dispersèrent : grave événement comme il s’en passe tous les jours à Chicago.

Quelquefois les rixes sont plus sérieuses. À Clinton, une réunion démocrate a été dispersée à coups de pierres. Ailleurs le général républicain Logan, deux fois assailli par les démocrates, a dû se faire entourer d’une troupe d’amis armés et parler lui-même le pistolet au poing. En somme, le peuple est paisible, et les deux partis font bon ménage dans la vie privée. Les Américains, qui à l’occasion s’entre-tuent comme des chiens, ne sont pas de leur nature turbulens ni querelleurs. Seulement, leur langage est plus énergique que le nôtre, et là où nous nous contentons d’un juron ou d’une injure ils donnent un coup de couteau ou de pistolet.

Les faussaires de Baltimore ont tous été condamnés à la détention perpétuelle[1], nonobstant l’évidente complicité de Ferry avec la police : on trouvera sans doute quelque moyen de le tirer d’affaire. Cependant on poursuit leprocès du colonel North, autre agent électoral de l’état de New-York, dont le crime, dénoncé par Ferry, est loin d’être aussi fortement prouvé que celui de Donohue. Le gouverneur Seymour a fait mainte démarche pour sauver le colonel North et obtenir qu’on suspendît l’affaire ; mais le ministre de la guerre Stanton a obstinément refusé de lui faire grâce. Les démocrates voient dans ce procès une infâme machination des républicains ; ceux-ci s’efforcent de lui donner, comme à celui des american knights, une importance visiblement exagérée. Il y a eu certainement des fraudes commises ; n’y a-t-il pas aussi de la part du gouvernement espionnage, provocation et préparation calculée

  1. Voyez sur les fraudes électorales commises à Baltimore par les démocrates la Revue du 1er novembre.