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Stilicon. Une confiscation générale attribua au trésor romain tous les biens de Gildon. Des persécutions nombreuses frappèrent sa famille et ses partisans, répandus sur tout le nord de l’Afrique ; mais il n’est plus question désormais, dans les annales latines, des tribus de la Montagne-de-Fer. Là où Théodose avait à peine pénétré, Rome ne pouvait vraiment plus imposer sa loi, alors que, tout attentive à conserver, elle n’osait plus prétendre à conquérir. Avec l’introduction d’un grand nombre d’étrangers dans leurs rangs, avec le relâchement de la discipline, avec l’affaiblissement des idées de devoir et d’honneur, les troupes romaines n’étaient au reste plus qu’une armée dégénérée : elles le montrèrent, on le sait, en face des Vandales qui, trente ans après la mort de Gildon, quittaient l’Espagne pour débarquer en maîtres sur la côte africaine.


III

Nous avons dit ailleurs[1] que des annales nationales n’existent pas chez les Kabyles ; quand on veut étudier dans les temps reculés leur histoire, on n’a d’autres sources que les chroniques obscures ou partiales de leurs ennemis. Les annales romaines qui parlent des tribus du Djurdjura sont souvent obscures, sans doute partiales ; ce sont toujours cependant des annales de guerre. Dès le temps des rois vassaux, ces tribus entrent en lutte pour aider les peuplades indigènes voisines à éloigner le joug romain qui s’approche. Quand Rome, maîtresse de l’Europe, de l’Asie et d’une partie de l’Afrique, se trouve libre de concentrer ses forces contre les dernières résistances, sa domination a beau s’étendre à tout le pays qui enveloppe la Grande-Kabylie : les tribus de la montagne ne l’acceptent point. Et leur rôle n’est pas simplement passif, ce n’est pas en s’abritant derrière leurs imprenables défenses qu’elles protestent : non, les écrivains nous les montrent portant leurs ravages durant quatre siècles sur le territoire provincial. Rigueurs de Maximien-Hercule, victoires de Théodose, rien ne les dompte. Il n’est pas un trait dans l’histoire qui établisse que le Djurdjura ait vu les enseignes romaines flotter à demeure sur ses crêtes.

Faut-il prendre au sérieux le texte d’Ammien quand il affirme que Théodose, dans ses premières rencontres avec les masses de Firmus, n’avait que trois mille cinq cents hommes à opposer à leur multitude ? Mais, si un général comme Théodose, le plus grand homme de guerre de son temps, s’est engagé dans une lutte contre les Quinquegentiens avec un nombre de combattans aussi réduit, on n’en saurait conclure qu’une chose : c’est qu’il avait reçu de

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1865.