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peut montrer, ils vivent dessus. Du côté de l’est, c’est-à-dire de la montagne, elles se réduisent à peu de chose : sur une. butte apparaît seule une sorte de citadelle dont subsistent quelques pans de mur, larges d’un mètre et bâtis en moellons ; mais dans la partie ouest on remarque plusieurs bassins, un entre autres de près de 4 mètres de côté, composé de belles pierres et auquel Djemâ-Sâridj doit son nom[1], diverses maisons construites avec des débris antiques, çà et là de grands blocs de pierres taillées, sur la place du marché des murailles solides à fleur de terre, quelques mosaïques même trouvées dans les fouilles. Enfin, à l’entrée du village, des dalles empierrant une route laissent croire à une amorce de voie romaine, et en effet les auteurs latins mentionnent un itinéraire partant de Dellys et se bifurquant à Djemâ-Sâridj pour aller vers Bougie par deux voies différentes.

L’Itinéraire d’Antonin, d’accord avec le premier tableau de Ptolémée, traverse le Djurdjura sans y marquer d’étape. La carte de Peutinger en indique une sur un point qu’elle nomme Ruha, et la distance entre Djemâ-Sâridj et Ruha, mesurée sur l’itinéraire peutingérien, conduit à placer cette étape sur le versant sud de la montagne au lieu dit Ksar-Kebouch, où se voient effectivement les vestiges d’un fort en pierres qui a une apparence romaine.

Ces deux itinéraires concordent assez avec les voies qu’on suit maintenant encore, l’une par le col d’Akfadou, l’autre plus à l’est par Ksar-Kebouch, pour que dans l’antiquité elles aient pu déjà servir de communications entre les vallées du Sébaou et de l’Oued-Sahel. Ce devaient être les voies naturelles des indigènes ouvertes, il se peut, aux voyageurs et commerçans romains ; de notre temps aussi, avant même la conquête du Djurdjura, il était permis à l’étranger de les parcourir sous la sauvegarde de l’anaïa[2] ; — mais que ce fussent des routes stratégiques, libres au parcours des colonnes romaines, nous ne saurions l’admettre. Rappelons d’abord que la voie romaine n’est un peu reconnaissable que du côté de l’ouest ou de la vallée ; c’est dans la partie occidentale que se montrent aussi les ruines importantes, c’était là vraiment la surface habitée. Le choix qu’on fit de la partie orientale pour l’occuper par la citadelle prouve que le côté tourné vers la montagne était la position dangereuse. D’ailleurs, qu’on y songe, pour transporter des troupes ou des approvisionnemens de Bougie à Dellys, les Romains avaient deux autres voies assurées : l’une de mer que personne ne leur

  1. Djemâ-Sâridj signifie « le marché du vendredi du bassin. »
  2. Voyez sur l’anaïa la Revue du 1er avril 1865.