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l’Alcazar pour la recevoir. Elle était vêtue tout en blanc à cause de la mort récente de son mari, le duc d’Alençon, et elle avait le visage en pleurs. L’empereur l’embrassa, lui adressa quelques paroles de consolation et la conduisit auprès du roi son frère. Après quelques instans passés avec eux, il les laissa, et le même jour il repartit pour Tolède[1].

La visite de l’empereur, ses bonnes assurances, la venue et la présence de sa sœur ranimèrent un moment François Ier : il parut mieux ; mais le mal était au-dessus des remèdes moraux. Trois jours après le départ de Charles-Quint et l’arrivée de la duchesse d’Alençon, l’état du roi empira. La fièvre devint plus forte et l’accablement du malade excessif. Le jour suivant (24 septembre), il tomba dans une insensibilité complète, et les médecins de l’empereur comme les siens déclarèrent qu’il était perdu. Il resta pendant plusieurs heures sans parler et sans entendre, ne voyant rien et ne reconnaissant personne. La duchesse d’Alençon était dans le désespoir et ne comptait plus désormais sur aucun remède humain. C’est alors qu’elle fit dresser un autel dans la chambre du roi et dire par l’archevêque d’Embrun la messe à laquelle assistèrent, en priant et en pleurant, les gentilshommes de son frère et les dames de sa suite. Au moment de l’élévation, l’archevêque d’Embrun, s’adressant au roi, qui depuis quelque temps ne donnait aucun signe de vie, l’exhorta à regarder le saint-sacrement. Le roi ouvrit les yeux et leva les mains. La messe finie, la duchesse fit présenter au roi le saint-sacrement pour qu’il l’adorât. « C’est mon Dieu, dit-il, qui me guérira l’âme et le corps, je vous prie que je le reçoive. » Comme on lui représenta qu’il ne pourrait avaler l’hostie, « si, répliqua-t-il, je le ferai. » Alors, l’hostie ayant été partagée en deux à la demande de la duchesse, le roi en reçut la moitié dans la plus grande dévotion, et sa sœur, communiant avec lui, reçut l’autre moitié au milieu de toute l’assistance, qui fondait en larmes[2]. La secousse morale qu’il avait éprouvée avait produit une crise salutaire. L’abcès qu’il avait dans la tête, et qui l’avait jeté dans cet état d’anéantissement, s’était heureusement ouvert en dehors, ce qui le sauva[3] ; mais, s’il fut rendu à la vie, il demeura dans une grande faiblesse.

  1. Relacion de lo sucedido, etc., fo 15. — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 120. — Sandoval, t. 1er, lib. XIII, § 16.
  2. Lettre du président de Selve, du 1er octobre, au parlement de Paris. — Captivité de François Ier, p. 332.
  3. « Stette alli XXIII del passato in fine di morte, senza parlare molti hori et senza virtu alcuna et desperato et tenuto morto da tutti, mismo en la mattina de XXIII, nelia quale comincio a ribaversi et purgar la materia che li andava a la testa per il naso. ». Lettre du cardinal Salviati. Dans Molini, Docum. stor., t. Ier, p. 191 et suiv. — Navagero le dit également dans ses dépêches : « Avendo scoperto i medici ch’ cgli era oppresso da un’ appostema nella testa, si che ad ogni momento parca dovesse morire. » Della Vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 180, col. 2.