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que fut proclamée la liberté du travail. La taxe devait être d’autant plus productive que le nombre des vendeurs deviendrait plus grand, et le meilleur moyen d’augmenter ce nombre était évidemment de rendre accessible à tous les citoyens l’exercice des différentes industries, qui jusqu’alors, sous le régime des corporations d’arts et métiers, n’étaient permises qu’à une classe privilégiée. La révolution avait donné une telle puissance aux idées de liberté et d’égalité que sans aucun doute l’émancipation de l’industrie et du travail se fût réalisée un jour ou l’autre par sa vertu propre, sans qu’il y eût besoin d’en faire en quelque sorte la rançon d’une taxe nouvelle ; mais il n’en est pas moins curieux d’observer par cet exemple comment s’opèrent quelquefois les réformes les plus profondes dans l’organisation sociale. L’impôt de patente, que M. Jules Simon représente comme une diminution de la liberté proclamée en février 1791, fut précisément l’occasion de cette liberté : ce fut pour rendre acceptable cet impôt nouveau, ce fut aussi pour le rendre plus productif que l’assemblée nationale abolit par le même décret les maîtrises et les jurandes. On peut s’étonner que la patente ait une si noble origine ; toutefois on ne saurait la lui disputer, les textes et les décrets sont là. Au lieu d’être un retour vers le passé, une contribution vexatoire, le signe d’un privilège, le nouvel impôt était l’instrument d’une liberté fondamentale que les nécessités financières faisaient pénétrer dans la législation politique.

D’un autre côté serait-il vrai que, dès le mois de juin 1791, en prohibant les coalitions, l’assemblée nationale aurait sinon détruit, du moins compromis son œuvre d’émancipation ? Sur ce point, consultons encore les documens authentiques de l’histoire. Voici ce qui s’était passé. — L’assemblée nationale venait de décréter que les droits à l’entrée de Paris seraient supprimés à partir du 1er mai 1791. Le bruit courut qu’un certain nombre de chefs d’industrie avaient l’intention de réduire les salaires en se fondant sur la suppression de l’octroi qui allait diminuer le prix des subsistances. Les ouvriers se réunirent de leur côté pour demander une augmentation de salaire. L’agitation produite par ces incidens fut assez vive pour que la municipalité crût devoir intervenir, et le 26 avril elle publia un avis aux ouvriers dont les termes indiquent clairement quels étaient alors les sentimens et les idées de la population. « Le corps municipal, disait cet avis, est instruit que des ouvriers de quelques professions se réunissent journellement en très grand nombre, se coalisent au lieu d’employer leur temps au travail, délibèrent et font des arrêtés par lesquels ils taxent arbitrairement le prix de leurs journées, que plusieurs d’entre eux se répandent dans