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une aisance apparente, et finalement des entraînemens de dépenses qui ont poussé les contributions indirectes au point où nous les voyons aujourd’hui.

C’est le système, il est brillant ; nous concevons que les étrangers et les observateurs superficiels en soient émus. Ce système peut-il être prolongé ? Telle est en définitive la question qui se pose. S’il a déterminé le mouvement ascendant des recettes, il a donné une impulsion beaucoup plus forte à la dépense. Il a contribué pour beaucoup aux accroissemens de la dette publique, parce que les subventions, les garanties d’intérêt, les combinaisons qui grèvent l’avenir, aboutissent toujours à des annuités qu’il faut payer et dont le chiffre grossit d’année en année.

Si du moins la coûteuse initiative de l’état en matière de travaux publics nous avait assuré une supériorité économique ! mais il ne paraît pas que les autres pays où l’on n’a pas fait acte de prodigalité comme chez nous soient moins bien partagés, au contraire. La France, au 1er janvier 1867, avait en exploitation 14,506 kilomètres de voies ferrées, ce qui donnait 1 kilomètre pour 2,688 habitans. La Prusse avant les annexions possédait 7,533 kilomètres, soit 1 kilomètre pour 2,564 habitans. A partir de 1852, le gouvernement prussien avait contracté une série de petits emprunts montant à 643 millions de francs ; mais une grande partie de cette somme avait été appliquée à des créations qui sont devenues des propriétés nationales, et actuellement le revenu net des chemins de fer dont l’état s’est réservé exclusivement l’exploitation atténue dans une très forte proportion le fardeau de la dette publique. Le réseau belge présentait en 1866 un développement total de 2,340 kilomètres, c’est-à-dire 1 kilomètre pour 2,130 habitans ; on sait que les lignes les plus lucratives appartiennent à l’état et qu’elles laissent un revenu net assez considérable. Quant à l’Angleterre, elle possédait déjà, il y a deux ans, 21,382 kilomètres, soit 1 kilomètre par 1,403 habitans, et cela sans aucune initiative, sans aucune espèce d’engagement de la part du trésor. Remarquons en outre que, malgré la guerre de Crimée, l’insurrection de l’Inde et l’amélioration de son matériel de guerre, l’Angleterre a trouvé moyen de diminuer sa dette publique pendant que nous augmentions si lourdement la nôtre. Au commencement de 1852, la dette britannique s’élevait en capital à 19 milliards 484 millions de francs. et en intérêts à 696 millions. Le compte arrêté au 31 mars 1867, avant l’expédition d’Abyssinie, il est vrai, portait le capital à 19 milliards 437 millions, et la réunion des annuités à 652 millions de francs seulement. Avouons-le franchement et sans phrases, la comparaison avec ces divers pays est accablante pour nous.

Résumons donc la situation, telle qu’elle est en ce moment