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ajourner longtemps encore l’explosion des hostilités entre les divers groupes de l’Allemagne. Leur énergie n’eût pas suffi au succès d’une grande entreprise belliqueuse, s’ils n’avaient pas été enfermés avec une habileté consommée dans le réseau de fortes institutions militaires.

L’armée prussienne a eu l’heureuse fortune de se former sous l’inspiration d’un grand mouvement d’enthousiasme patriotique qui a fait accepter plus aisément les inconvéniens et les charges du système. Le principe du service militaire obligatoire est écrit dans la loi du 3 septembre 1814. La landwehr a été réorganisée par l’ordonnance du 21 novembre 1815. En vertu de cette législation, tout Prussien capable de porter les armes fut tenu de servir de 20 à 23 ans dans l’armée active, de 23 à 25 ans dans la réserve, de 25 à 32 ans dans le premier ban de la landwehr, et de 32 à 39 ans dans le second. La landsturm ou levée en masse comprit tous les individus de 17 à 49 ans capables de porter les armes qui ne se trouvaient pas incorporés dans l’année active ou dans la landwehr. On forma immédiatement 36 régimens d’infanterie et 34 de cavalerie avec les hommes qui étaient dans les conditions requises pour entrer dans la landwehr, et les forces de la Prusse se trouvèrent désormais composées de la manière suivante :

1° L’armée active, comptant en temps de paix 140,000 hommes, en temps de guerre, par suite de l’appel des réserves, 220,000 hommes environ ;

2° Le premier ban de la landwehr, infanterie et cavalerie, qui ne comprend en temps de paix que le personnel des cadres, environ 3,000 hommes, et qui se trouvait porté en temps de guerre à 150,000 hommes ;

3° Le second ban de la landwehr, donnant un chiffre de 110,000 hommes.

En ajoutant à ces chiffres celui de 50,000 hommes susceptibles d’être recrutés par anticipation, on arrivait à pouvoir mettre sur pied 530,000 hommes, dont 340,000 formant l’armée d’opérations, et le reste composant les dépôts ou gardant les places fortes.. On n’avait à entretenir en temps de paix que le quart à peu près de cet effectif.

Un fait vraiment curieux à constater, c’est que la Prusse de nos jours, active, travailleuse, appliquée, regarde avec une sorte de vénération ce système rigoureux, imaginé par les hommes de 1813 ; elle y est profondément attachée. L’instinct de la grandeur nationale domine chez elle tous les autres sentimens. Cependant de 1815 à 1848 une paix prolongée et par suite les adoucissemens apportés dans la pratique à un système qui ne paraissait plus indispensable