Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à rencontrer le fond. Il mesurait alors cette profondeur, certain que partout ailleurs elle devait être supérieure à 10 pieds.

Aux environs d’Annah, le paysage est de toute beauté ; des moulins à eau, des aqueducs, des forêts, des chapelets d’îles verdoyantes défilaient sous les yeux de notre voyageur ; tantôt le fleuve rapide et profond coule encaissé entre deux collines élevées couvertes de broussailles, tantôt il suit les contours de montagnes boisées ou parsemées de champs cultivés ; parfois les rives sont nues, mais conservent néanmoins, grâce aux nombreux aqueducs qui les dominent, un aspect très pittoresque ; de longues files de maisons cachées derrière les arbres s’égrènent le long des bords, et dénotent une population nombreuse, adonnée à l’agriculture.

Le trajet s’effectua sans incidens dignes d’être notés jusqu’à Hit, ville assez importante de 1,500 maisons, et à proximité de laquelle se trouvent d’abondantes sources de bitume connues déjà du temps d’Hérodote, des mines de soufre et de naphte qui donnent aux eaux du voisinage des propriétés médicinales. La principale industrie des habitans est la construction des bateaux et la fabrication des vases de terre, qui, placés sur les toits des maisons, servent à la conservation de l’eau, ou qui, appliqués sur le pourtour des roues hydrauliques, déversent dans les aqueducs l’eau dont ils s’emplissent. Quant aux bateaux, le procédé de construction est des plus ingénieux et des plus expéditifs. On commence par choisir sur le bord de la rive un emplacement convenable sur lequel le constructeur dessine la projection horizontale du futur bateau. Dans l’espace ainsi déterminé, il place parallèlement les unes aux autres un certain nombre de branches grossières qu’il entrelace, au moyen de roseaux, avec d’autres branches plus fortes destinées à donner au fond la solidité nécessaire. Pour construire les côtés, il fixe à un pied les unes des autres des perches de la hauteur voulue, remplit les intervalles de la même manière que le fond, et consolide le tout par de fortes branches. Cela fait, il enduit l’intérieur et l’extérieur du bateau d’une couche de bitume au moyen d’un rouleau qui le polit et lui donne une grande dureté. Les bateaux ainsi construits sont très solides, très propres à la navigation, et n’ont en pleine charge que 22 pouces de tirant d’eau. C’est sur un de ces bateaux que le colonel Chesney continua sa route après avoir abandonné le radeau, dont la navigation était beaucoup trop lente.

Au-dessous de Hit, le paysage est moins pittoresque, car les aqueducs, qui contribuaient à l’embellir, sont remplacés pour l’irrigation des terres par des outres en cuir que des buffles traînent sur des plans inclinés, et qui viennent se déverser dans des canaux ; les rives d’ailleurs sont très peuplées, les villages nombreux, et les habitans