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concéder cette ligne à la compagnie anglaise dont M.. Andrew était le président et le général Chesney le fondé de pouvoirs. Cette concession, faite pour quatre-vingt-dix-neuf ans, ne comprenait d’abord que la première section, celle de Souédie à l’Euphrate, mais autorisait la compagnie à établir sur ce fleuve un service de bateaux à vapeur entre l’extrémité de la ligne et Bassora. Quant à la seconde section, elle ne devait être construite que plus tard, et dans ce cas le gouvernement turc s’engageait, vis-à-vis de la compagnie, à écarter toute entreprise rivale. En outre il lui garantissait un intérêt de 6 pour 100 sur le capital de 1,400,000 livres sterling (35 millions) que devait coûter la construction de la première section.

Une fois en possession de cette route, M. Andrew, avant de faire appel au crédit et afin d’inspirer plus de confiance aux capitalistes peu au courant des ressources de la Turquie, crut devoir demander au gouvernement anglais et à la compagnie des Indes un supplément de garantie. Il pensait qu’ils étaient l’un et l’autre si intéressés à la construction de cette ligne, qu’ils n’hésiteraient pas à prendre à leur charge chacun 2 pour 100 sur les 6 pour 100 garantis par le gouvernement turc, de façon à ce que les actionnaires fussent assurés de toucher au moins 4 pour 100 de leur argent. Malgré les encouragemens qu’il reçut de la plupart des hommes d’état d’Angleterre, malgré les promesses que lui firent lord Palmerston et M. Gladstone, il échoua dans sa tentative. Le gouvernement anglais refusa son concours et répondit que l’entreprise avait toutes ses sympathies, qu’il l’appuierait par les voies diplomatiques, mais qu’elle était une affaire particulière et devait rester telle. Cette détermination, qu’auront peine à comprendre ceux qui accusent l’Angleterre de tendances envahissantes et dominatrices, suffit pour empêcher la constitution financière de la compagnie, et depuis lors nous ne pensons pas que de nouvelles démarches aient été faites pour reprendre les négociations ; mais il n’est pas douteux qu’un jour ou l’autre elles ne soient remises sur le tapis[1].

Le chemin proposé aurait en effet une importance commerciale

  1. On assure pourtant qu’une autre compagnie anglaise a proposé depuis au gouvernement turc la construction d’une ligne de Constantinople à Bassora par le plateau de l’Asie-Mineure et la vallée de l’Euphrate, en passant par Kutahièh, Konièh, Kaisarièh, Diarbékir. La concession fut accordée moyennant une garantie d’intérêt de 6 pour 100 ; mais, pas plus que celle du général Chesney, la compagnie ne put se constituer définitivement pour entreprendre l’affaire à ses risques et périls. Elle proposa cependant au gouvernement turc de construire cette ligne pour le compte de celui-ci moyennant une subvention de 300,000 francs par kilomètre ; mais ces propositions furent déclinées à cause de la situation financière de l’empire, qui ne lui permettait pas d’accepter une charge aussi lourde.