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transatlantique français, celle du chemin de fer du Mont-Cenis, plusieurs compagnies d’assurances et de métallurgie, et l’on n’a jamais remarqué qu’elles se préoccupassent de la nationalité des consommateurs, qu’elles traitassent leurs compatriotes avec plus de faveur que les autres. Pourquoi donc en serait-il autrement en Asie ?

En résumé, l’intérêt de tous est que cette route se fasse, et un jour ou l’autre elle se fera, quoi qu’il puisse arriver. De même que dans un pays il y a de grandes lignes auxquelles viennent aboutir les tronçons secondaires, de même dans la circulation du monde il y a des voies principales sur lesquelles les autres viendront s’embrancher. La route de l’Euphrate est une de ces voies, parce qu’elle mettra en communication directe l’Orient et l’Occident.

Cet avenir est d’autant plus certain que, si l’on se reporte en arrière, on est frappé de surprise en voyant les progrès de la civilisation dans ces derniers temps. Il y a un siècle, l’Inde et l’Australie étaient à peine connues ; aujourd’hui ce sont des contrées puissantes et prospères. L’Amérique, qui n’était peuplée que de quelques colons, groupés sur les rivages de l’Atlantique, a vu sa population et sa puissance s’accroître avec une prodigieuse rapidité, et le réseau de ses chemins de fer s’étendre d’un océan à l’autre. L’Égypte et la Turquie, où régnaient jadis l’orgueil, l’intolérance et la haine des chrétiens, sont maintenant ouvertes à notre influence, familiarisées avec nos mœurs et désireuses de nous suivre dans la voie du progrès. La Chine et le Japon eux-mêmes, sortis de leur isolement, sont emportés, malgré eux peut-être, dans la marche en avant que suit l’humanité. Celle-ci est poussée par une force que rien n’arrête, et qui tend nécessairement au développement matériel et moral des peuples.


J. CLAVE.