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en quelque sorte une révision complète du procès, à la suite de laquelle on rédige un rapport qui, sur preuves discutées, conclut à la commutation de la peine, ou propose de laisser la justice « suivre son cours. » Ce rapport est transmis au ministre, qui l’accepte ou le répudie péremptoirement, et fait parvenir tout le dossier à l’empereur. Si, au bas du rapport et au-dessous du mot « approuvé, » le souverain, maître absolu d’exercer sa plus haute prérogative, se contente de signer, c’est la mort ; si, au contraire, selon la belle formule usitée encore aujourd’hui, « voulant préférer miséricorde à la rigueur des lois, » il trouve que l’expiation suprême n’est pas en proportion avec le crime commis, il indique en quelle peine il commue la peine capitale.

Ces dossiers sont instructifs à plus d’un titre, et prouvent avec quel soin tout ce qui touche à cette redoutable question de la vie humaine est étudié. Les rapports définitifs sont faits avec une impartialité extraordinaire ; on dirait qu’ils ont été rédigés par de purs esprits auxquels toute passion est inconnue. Ceux qui datent du règne de Louis-Philippe ont un intérêt spécial ; il est difficile de les parcourir sans émotion. Le roi paraphait chaque pièce, chaque feuillet du dossier, pour bien prouver qu’il en avait pris connaissance ; puis il donnait toujours par une phrase concise le résumé de son opinion et le motif qui lui faisait refuser la grâce sollicitée. Parfois même, dans les rapports qui lui étaient présentés, il découvrait des raisons d’indulgence, des prétextes peut-être (il avait horreur de la peine de mort) qui avaient échappé au ministre ; il les faisait valoir en note, et le plus souvent, dans ce cas-là, il commuait la peine. Il ne signait jamais que de ses initiales ; une seule fois il s’est départi de cette habitude, comme pour mieux affirmer qu’il ne voulait à aucun prix avoir pitié d’un criminel si profondément endurci. De sa grosse et forte écriture, sur le rapport concernant Lacenaire et concluant à l’exécution, il écrivit « Louis-Philippe, » en toutes lettres.

Aussitôt que le rapport du garde des sceaux a été approuvé par l’empereur, le procureur-général près la cour impériale de Paris en est prévenu par dépêche spéciale, et il est « prié de faire procéder sans aucun délai à l’exécution de l’arrêt de condamnation. » Le procureur-général, agissant immédiatement et d’urgence par un de ses substituts., adresse alors sept réquisitoires : 1° au préfet de police pour lui donner avis et le mettre à même de prendre les mesures nécessaires au maintien de l’ordre avant et pendant l’exécution ; 2° à l’aumônier pour l’inviter à se rendre à la prison quelque temps avant l’exécution, afin d’assister le condamné dans ses derniers momens ; 3° au commandant de la gendarmerie de la Seine, afin qu’il ait à envoyer un piquet de six hommes à cheval au