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maintenu en verdeur. Chaque âge a son genre de plaisir et d’activité ; on cite pour leur longévité les savans et les collectionneurs. Va donc pour l’entomologie, et piquons avec une épingle d’or sur du papier réglé de jolis motifs dont la somme s’accroîtra sans fin. Les motifs ! il y a trente ans que M. Auber ne les compte plus ; autant il lui en vient, autant il en oublie, et c’est à peine s’il reconnaît son bien lorsque tout en causant vous le lui mettez sous les yeux. Un jour que nous nous promenions avec Lamartine dans le jardin des Tuileries, ce vers nous vint à la mémoire :

La sève, débordant d’abondance et de force,
Sortait en gouttes d’or des fentes de l’écorce.


Et comme nous nous plaisions à le réciter sous ces beaux arbres en pleine floraison printanière : — De qui est cela ? s’écria le grand poète en dressant l’oreille, c’est très beau ! — De qui ? vous le demandez ? mais c’est dans Jocelyn. — Dans Jocelyn ! eh bien ! je ne m’en dédis pas. — Et il se mit à scander son vers de cette voix fière et haut sonnante accoutumée à retentir partout. M. Auber a la mémoire moins superbe ; ne craignez point toutefois de lui montrer dans l’occasion que vous savez par cœur son œuvre mieux que lui. Il ne vous dira pas : C’est très beau ; mais vous surprendrez un sincère et profond remercîment à l’émotion attendrie de son regard, à la pression particulière de sa main.

f. de la genevais.


LA SCIENCE ILLUSTRÉE.
I. Nouveau Dictionnaire de botanique, par M. E. Germain de Saint-Pierre ; Paris, J.-B. Baillière. — II. Histoire des plantes, par M. H. Baillon ; Paris, Hachette. — III. Les Champignons, par M. F.-S. Cordier ; Paris, Rothschild. — IV. Le Monde des fleurs, par M. H. Lecoq ; Paris, Rothschild. — V. Le Monde des Alpes, par M. de Tschudi, Berne, Dalp.

L’apparition de la science populaire est l’un des phénomènes les plus caractéristiques du siècle actuel. Rien ne marque mieux toute la distance qui nous sépare d’une époque où le savoir s’isolait, ou les savans passaient pour adonnés à la magie. La publicité des débats appliquée aux questions scientifiques a peu à peu transformé les habitudes de la foule. Aujourd’hui non-seulement tout le monde lit, mais tout le monde travaille et contribue au progrès. La diffusion des connaissances a été en même temps la décentralisation du pouvoir. Les grandes entreprises qui jadis étaient le privilège des rois et dépendaient de leurs caprices sortent de terre au premier appel, et prospèrent par le concours de l’intelligence collective des peuples.

On ne peut nier que le développement prodigieux de la littérature scientifique ne contribue efficacement à ces heureux changemens, et le rôle des livres populaires dans ce mouvement général est plus important que les esprits chagrins ne sont disposés à l’admettre. Les envi-