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Prusse, frère du roi Guillaume, grand-maître de l’ordre de Saint-Jean, a fait, dès le 15 mai 1866, appel au dévoûment et à la générosité des chevaliers rangés sous la bannière de Brandebourg. Beaucoup d’entre eux se sont mis aussitôt à la disposition du gouvernement, les uns pour organiser dans leurs châteaux et à leurs frais des services d’ambulance, les autres pour solliciter l’autorisation de suivre les troupes et de seconder les chefs des services médicaux de l’armée. Dès le début de la campagne, plus de 500 lits avaient été préparés dans les établissemens que l’ordre possède sur divers points du territoire prussien. On a eu en outre à enregistrer un grand nombre d’actes de munificence individuelle de la part des johanniter. Le prince Frédéric des Pays-Bas, qui est commandeur de l’ordre, avait établi une ambulance de 70 lits dans son château de Muskau, en Silésie. Le comte Eberhard de Stolberg avait fait installer dans ses propriétés de Kreppelhof et de Lapersdorf des maisons où l’on put recevoir plus de 300 blessés. À Wernigerode, un autre comte Stolberg en reçut chez lui plus de 40. On pourrait multiplier ces exemples. Beaucoup d’autres personnages haut placés dans la société prussienne s’étaient disputé l’honneur de recueillir chez eux les victimes de la guerre. Enfin plus de 200 chevaliers se rendirent à l’armée pour prodiguer leurs soins aux blessés sous le feu de l’ennemi et dans les hôpitaux. Après la bataille de Kœnigsgrætz, il n’y avait pas en Bohême une localité un peu importante où l’on n’eût été obligé d’établir soit un lazaret volant, soit un dépôt. Tous ces établissemens, à la surveillance desquels l’administration militaire n’aurait jamais pu suffire, étaient placés sous la direction des chevaliers de Saint-Jean. C’est à eux que revenait également le soin d’assurer la répartition équitable des dons de toute nature que la charité privée faisait affluer sur le théâtre des hostilités. Les johanniter étaient encore chargés d’utiliser le concours des personnes de tout sexe qu’attirait en Bohême le désir de soulager les maux de la guerre, de mettre en pratique les pieuses vertus dont le libre exercice est désormais assuré par les stipulations de la convention de Genève. Par leur situation sociale, les chevaliers de Saint-Jean marchaient partout de pair avec les chefs les plus considérables de l’armée ; l’accord le plus absolu régnait entre eux et les commandans d’étapes : loin d’être une complication pour des services qu’il est toujours si difficile d’assurer dans le trouble inséparable de la guerre, leur présence simplifiait beaucoup de choses, et justifiait la confiance qu’on leur avait témoignée en acceptant leurs services à l’armée.