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III

Le projet élaboré par M. de Bismarck est aujourd’hui la charte constitutionnelle du Nordhunb. Résumons-en les principales dispositions, en tenant compte des quelques retouches que lui a fait subir le Reichstag.

La compétence législative du Bund embrasse le droit d’établissement, la naturalisation, les passeports, la police des étrangers, l’exercice de l’industrie, les assurances, la colonisation et l’émigration, les douanes et les impôts indirects, les monnaies, les poids et mesures, les banques, les brevets d’invention, la propriété intellectuelle, les consulats, les chemins de fer, les postes et les télégraphes, les obligations, le droit commercial, le droit pénal et la procédure, les mesures sanitaires, l’armée et la marine. La confédération a, pour fournir à ses dépenses, le produit net des douanes, de la poste et du télégraphe, l’impôt sur le sucre de betterave, sur le sel, sur l’eau-de-vie, sur le malt et sur le tabac, plus des contributions matriculaires ou taxe personnelle et variable répartie entre les états au prorata de la population. La confédération ne peut se trouver en déficit ; ses recettes doivent s’ajuster à ses dépenses, lesquelles sont présentées en tête du budget. Elle dit aux états : J’ai besoin de tant, il me faut tant, ingéniez-vous. — Cela s’explique : la confédération, c’est la politique étrangère, c’est la flotte, c’est l’armée, c’est la guerre, et la guerre n’admet pas qu’on lui refuse rien ; ses ressources doivent toujours être au niveau de ses besoins.

A qui appartient le pouvoir législatif et comment s’exerce-t-il ? Le constituant, qui n’était pas une assemblée, mais un homme, a résolu ce point capital par une combinaison étrange, d’une incontestable originalité. Le Nordbund a un parlement, formé en apparence d’une seule chambre, appelée Reichstag ou chambre impériale, laquelle est élue pour trois ans, par le suffrage universel et direct et au scrutin secret. Les lois fédérales ayant le pas sur les lois des états, il importait que le Reichstag eût une provenance vraiment populaire et démocratique, qu’il n’émanât point, comme la chambre des députés prussiens, d’un système d’élection à deux degrés qui répartit les électeurs primaires en trois classes déterminées par la quotité du cens. C’est aux racines qu’on juge l’arbre. Cette assemblée très démocratique possède toutes les prérogatives chères aux parlemens, et que le corps législatif de France a eu si grand’ peine à recouvrer. Elle fait elle-même son règlement, elle nomme son bureau, son président et ses vice-présidens ; elle a le droit d’interpellation, elle vote des adresses, elle jouit d’une entière liberté de