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Credo d’Athanase qu’ils avaient souscrit, tous à peu près étrangers au troupeau dont ils étaient nominalement les pasteurs. Le dissent s’était ressenti du refroidissement général et ne protestait que par quelques exemples rares et isolés en faveur des doctrines et des pratiques de la réformation primitive. On peut dire que l’Angleterre marchait à l’indifférence religieuse. Rien d’étonnant si Voltaire, que l’exil y conduisit en 1726, prononçait qu’on était si tiède en ce pays « qu’il n’y avait plus guère de fortune à faire pour une religion nouvelle ou renouvelée, » donnant ainsi sur les dispositions du peuple anglais l’opinion que son siècle devait conserver, même après qu’elle aurait cessé d’être exacte. Et si l’on récusait le témoignage de Voltaire, un observateur qui n’a point d’égal, Montesquieu a fait trois ans après lui le même voyage, et il a écrit dans ses notes : « Point de religion en Angleterre[1]. »

Il se rencontre de temps en temps dans l’histoire des sociétés des momens où elles sont ainsi jugées, et ce jugement est assez fondé pour que de très bons esprits croient tout retour impossible et la foi hors d’état de se relever sur la base du scepticisme et de l’incrédulité. Il n’en est rien cependant. Ce déclin de la religion est tôt ou tard interrompu par ce qu’en France on appelle une réaction et en Angleterre un revival, nos protestans disent : un réveil. Il y a cette différence entre les réactions et les réveils que les unes sont amenées par un mouvement d’opinion que divers motifs, surtout des motifs politiques, rendent favorables à tout ce qui retourne aux traditions du passé, tandis que les autres résultent d’un mouvement religieux qui spontanément a pris naissance dans les âmes, et d’ordinaire dans quelques âmes seulement, d’où il s’est étendu au loin. Je ne veux point faire d’application à la France ; mais lorsqu’à la vue de la révolution française Burke manquait aux meilleurs souvenirs de sa vie en s’opposant à la complète émancipation du dissent, lorsqu’il donnait le signal à cette croisade que commandait George III et que les Eldon, les Sidmouth, les Liverpool, devaient mener en l’honneur de la coalition du haut torysme et de la haute église, il n’y avait là qu’une réaction et comme une marée montante de la politique ; mais lorsque peu après 1730, Wesley et Whitefield, ou quarante ans plus tard Wilberforce et les évangéliques avaient concouru, par un appel direct au pur sentiment religieux, à le ranimer dans bien des cœurs, ce fut un réveil en effet, et quelque chose qui n’est pas indigne d’être comparé aux conversions désintéressées des âgés apostoliques. C’est le premier de ces réveils que nous voudrions sommairement retracer.

  1. Et plus bas : « Si quelqu’un parle de religion, tout le monde se met à rire. » Il a dit ailleurs : « Je passe en France pour avoir peu de religion ; en Angleterre, pour en avoir trop. »