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III

La famille de Wesley était originaire du Lincolnshire. Son père Samuel, fils de pasteur, était lui-même dans le ministère sacré. Élevé dans une secte dissidente, il s’était rallié à l’église établie, et il remplissait au commencement du XVIIIe siècle les fonctions de recteur de la paroisse d’Epworth. Il y portait cette énergie, cette chaleur de conviction qui commençait à devenir rare dans le clergé, et sa femme, Suzanne Annesley, non moins fervente, éleva dans une piété rigide les treize enfans qu’elle conserva des dix-neuf qu’elle avait mis au monde. John était le second. L’aîné, Samuel, entra dans les ordres et dans l’enseignement, et, jacobite comme sa mère, se montra le zélé partisan d’Alterbury. Le troisième, Charles, était destiné à partager les opinions et la fortune de John. Il fut sur le point d’entrer dans une tout autre carrière. Un gentilhomme irlandais du nom de Wesley ou Wellesley (on ne distingue guère l’un de l’autre) lui offrit de l’adopter et de le faire son héritier, s’il voulait le suivre en Irlande. Charles refusa, et la fortune avec le nom fut transmise au second fils de sir Henry Colley, qui devint plus tard comte de Mornington, et le grand-père du marquis de Wellesley et du duc de Wellington[1].

John fut élevé à l’école de Charter-House, d’où il passa à l’université d’Oxford, au collège de Christ-Church, auquel Locke avait si longtemps appartenu ; puis il obtint le grade universitaire de fellow ou agrégé du collège de Lincoln. Il avait réussi dans ses études., et quoique détourné d’assez bonne heure du soin de les poursuivre, il conserva toujours de son éducation classique un goût et un souvenir qui lui permettaient, assez tard dans la vie, de montrer en chaire qu’il savait encore le grec au point de disserter sur un aoriste du texte de l’Evangile. La logique avait aussi vivement captivé son esprit ; il s’était de bonne heure rompu à la pratique des formes et des règles qu’elle enseigne, et il s’y montrait habile dans les conférences avec ses compagnons d’études. En 1726, à vingt-trois ans (car il était né en 1703 à Epworth, le 17 juin) il fut nommé modérateur ou président des discussions logiques et professeur de grec. Il fut maître-ès-arts l’année suivante.

Ce n’était pas un jeune homme ordinaire. Son esprit était droit et pénétrant, son âme ferme et pure, mais douce et patiente. Il aimait l’ordre, la discipline, l’obéissance. Sa piété était scrupuleuse, et ses opinions de celles qu’on nommerait aujourd’hui conservatrices. La royauté et l’église lui inspiraient un respect profond. Il semble donc

  1. Il fut la souche de quatre pairies, Mornington, Wellesley, Wellington, Cowley.