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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


s’entouraient de toutes les précautions imaginables, et cette voie était la seule assurée.

Ce qui surtout dut le toucher au cœur, ce fut la conduite des évêques, membres du concile, qui avaient préféré encourir une accusation infâme et se laisser mettre aux fers comme des incendiaires convaincus plutôt que de le renier comme on le leur proposait, et de communiquer avec « le loup, le pirate, le bourreau » usurpateur de son église. Si la conduite de ces évêques, qui avaient siégé parmi ses juges, était une protestation de son innocence en face de la chrétienté tout entière, en face de l’empereur, en face du préfet de la ville et de ses inquisiteurs, elle contenait aussi la condamnation solennelle de ces autres évêques, ses adversaires, qui poursuivaient lâchement en eux la minorité du concile. Il écrivit à ces courageux athlètes, pour les remercier et les bénir, une lettre magnifique intitulée : « Aux évêques, prêtres et diacres emprisonnés pour la religion, » voulant y joindre aussi ses anciens compagnons du sanctuaire. Il les croyait encore dans les prisons de Constantinople, car on ne put connaître que beaucoup plus tard à Cucuse le décret du 29 août, en vertu duquel ils avaient été relâchés et leur peine commuée en un exil perpétuel.

« Vous êtes heureux, leur écrivait-il, à cause de votre captivité, de vos liens, de vos chaînes, heureux, dis-je, et trois fois heureux et mille fois encore. Vous vous êtes attiré l’admiration du monde entier, même de ceux qui sont loin de vous par la distance et par le temps. Partout, sur la terre comme sur la mer, on chante vos glorieuses actions, votre courage, votre constance dans vos sentimens, la sainte indépendance de vos âmes. Rien de ce qu’on regarde comme effrayant n’a pu vous ébranler ; ni tribunal, ni bourreau, ni diversité de tortures, ni menaces annonçant des morts sans nombre, ni juges soufflant le feu par la bouche, ni adversaires grinçant des dents et dressant autour de vous des embûches, ni calomnies, ni accusations impudentes, ni enfin la mort étalée chaque jour devant vos yeux, rien n’a pu vous faire trembler ; au contraire la persécution même se changeait en consolation pour vous. C’est pour cela que tous vous couronnent et vous proclament à l’envi, non-seulement vos amis, mais vos ennemis et vos persécuteurs ; si ces derniers ne le font pas hautement, regardons au fond de leurs consciences, nous verrons qu’ils vous admirent comme nous. Tel est le caractère de la vertu, ceux mêmes qui la combattent lui rendent justice ; tel est aussi celui de la perversité, ceux qui la pratiquent la condamnent… »

J’ai cité cette lettre, parce qu’elle se rapporte à des personnages qui ont joué un rôle dans nos récits, et aussi parce qu’elle offre un