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assidue, la méditation du livre sacré produisit enfin l’effet qu’elle ne manque guère de produire sur l’âme de celui qui l’ouvre avec un besoin fortement senti d’y trouver ce qu’il ne trouve pas en lui-même, avec une conscience profonde de l’impuissance de la nature et de la toute-puissance de la foi. Il cherchait dans l’Écriture la grâce justifiante ; un jour vint où il connut qu’il l’avait trouvée.


« Le 23 mai 1738, écrit-il dans son journal, vers cinq heures du matin, j’ouvris mon Nouveau-Testament à ces paroles : « Nous avons reçu les grandes et précieuses promesses, afin que par leur moyen nous devenions participans de la nature divine. » (II Pierre, I, 4.) Au moment de sortir, je tombai sur ces mots : « tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Dans l’après-midi, on m’invita à aller à la cathédrale de Saint-Paul. L’antienne était : « O Éternel, je t’invoque du fond de l’abîme : Seigneur, écoute ma voix ! que tes oreilles soient attentives à la voix de mes supplications ! O Éternel, si tu considères les iniquités, Seigneur, qui subsistera ? Mais le pardon se trouve auprès de toi, afin qu’on te craigne. Israël, attends-toi à l’Éternel, car la miséricorde est avec l’Éternel et la rédemption se trouve auprès de lui. Et lui-même rachètera Israël de toutes ses iniquités. » Dans la soirée, je me rendis à contrecœur à une petite réunion dans Aldersgate-street, où j’entendis lire l’introduction de Luther à l’épître aux Romains. Vers neuf heures moins un quart, en entendant la description qu’il fait du changement que Dieu opère dans le cœur par la foi en Christ, je sentis que mon cœur se réchauffait étrangement. Je sentis que je me confiais en Christ, en Christ seul pour mon salut, et je reçus l’assurance qu’il avait ôté mes péchés et qu’il me sauvait de la loi du péché et de la mort. Je me mis alors à prier de toutes mes forces pour ceux qui m’avaient outragé et persécuté. Puis je rendis témoignage ouvertement, devant les personnes présentes, de ce que j’éprouvais en mon cœur pour la première fois. L’Ennemi me suggéra bientôt : « Ceci ne peut être la foi ; car où est la joie ? » mais j’appris bientôt que si la paix et la victoire sur le péché sont étroitement liées à la foi au chef de notre salut, il n’en est pas ainsi de ces transports de joie qui l’accompagnent ordinairement, surtout chez ceux qui ont passé par une angoisse profonde, mais que Dieu se réserve de dispenser ou de refuser selon son bon plaisir. »


On voit que dans cette crise solennelle de son existence morale, la rencontre fortuite de tel ou tel verset de l’Écriture ou même d’un passage d’une homélie parut à Wesley un avertissement céleste, ou du moins se lia intimement dans son souvenir au changement qui lui fit un cœur nouveau. Il croyait aisément à des coïncidences providentielles. La vie des saints offre plus d’un