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la fameuse année 45, il s’offrit pour exhorter l’armée royale et l’appeler, par la considération des dangers publics, à la pensée du salut éternel. Déjà ses disciples avaient jusque dans les camps attesté sa loyauté. On raconte qu’à la journée de Fontenoy quatre prédicateurs et un grand nombre de soldats méthodistes étaient restés sur le champ de bataille. Wesley n’était pas seulement fidèle à la royauté protestante, il avait les sentimens politiques d’un ministre de l’église. Sa préoccupation des choses célestes refusait aux affaires du monde ce vif intérêt qui justifie l’opposition. Ses critiques torys lui rendent pleine justice sous ce rapport, et ils remarquent avec complaisance qu’à l’époque de la guerre d’Amérique il se déclara pour les droits de la métropole, et qu’enfin, dès qu’il vit briller les premiers feux de la révolution française, il la redouta comme un incendie. A la différence des autres sectes généralement enfantées ou émancipées par la révolution de 1640, son église reçut de là une impulsion dans le sens des opinions gouvernementales, et les méthodistes d’aujourd’hui sont encore de tous les dissidens ceux qui recrutent le moins l’opposition politique. On est conservateur, ceux qui le sont, par principes et par indifférence ; or la piété ennoblit l’indifférence, mais souvent elle la confirme.

On aurait pu croire que Wesley touchait au terme de ses peines, car il fut admis à prêcher dans Oxford même, et l’université, dont il était toujours agrégé, le laissa paisiblement s’expliquer devant elle. Il semble donc que vers le milieu du siècle la cause du méthodisme était gagnée. Les conflits n’avaient pas entièrement disparu. La rigueur des saisons, la pauvreté, la malveillance mettaient encore à de rudes épreuves la constance des missionnaires ; cependant Wesley se trouvait en Angleterre à la tête d’une vaste association qui s’étendait du nord au midi. Il avait même poussé ses conquêtes jusqu’en Irlande. Là, au milieu d’une population mobile, il s’étonna de l’empressement que lui témoignaient jusqu’à des catholiques ; mais dans un pays où la passion et l’imagination sont plus fortes que la raison, l’effet ne pouvait être aussi profond qu’il était bruyant, aussi durable qu’il était rapide. Cependant le méthodisme s’établit en Irlande, notamment dans la ville de Cork, où un homme énergique, Thomas Walsh, poursuivit avec ardeur l’œuvre commencée, et quand Wesley fit un second voyage dans l’Ile, il eut le bonheur de constater que toutes ces semences jetées en terre n’avaient pas péri. Il avait trouvé en Écosse, lorsqu’il s’y était rendu pour la première fois, un accueil bienveillant, mais froid. Le presbytérianisme du nord n’était point tombé dans l’engourdissement comme celui du midi ; plus que l’anglicanisme, il convenait à la simplicité des mœurs écossaises. D’ailleurs l’austère conviction du peuple était