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les rangs élevés de la société, il trouve plus d’appui chez les magistrats ; mais cependant il ne gouverne pas sans opposition. Des mouvemens d’exaltation fanatique se manifestent parmi les fidèles et le forcent à des ruptures, à des exclusions pénibles. Le clergé anglican ne discontinue pas ses attaques. Deux évêques, dont l’un est le célèbre Warburton, écrivent violemment contre lui. Il lui faut répondre à des accusations dont l’absurdité prouve combien aisément toute autorité constituée méconnaît ses adversaires, et, s’il faut parler franc, ne sait ce qu’elle dit quand elle se mêle de vouloir les juger. « C’est un homme, disait Warburton, qui prend des sots et qui en fait des fous. »

Cette lutte acheva de convaincre Wesley que, malgré son dessein de ne pas briser ses derniers liens avec l’épiscopat, il devait instituer un clergé indépendant ; il avait longtemps gardé de son éducation universitaire la croyance en une transmission d’autorité continuée des apôtres aux évêques. Obligé de se soustraire à leur juridiction, il n’en avait pas contesté les titres ; mais aujourd’hui, lisant dans le Nouveau-Testament que les évêques et les anciens étaient sur le même rang, il reconnut qu’une église nationale est une institution politique, et que le droit divin des évêques était une invention du règne d’Elisabeth. Toutefois, en changeant d’avis sur l’épiscopat, il répugnait à l’attaquer. « Cette église établie est véritablement une Babel, dit-il quelquefois ; qu’elle subsiste tant qu’elle pourra ; quant à moi, je ne ferai rien pour la faire tomber, mais je ne ferai rien non plus pour l’en empêcher. Occupons-nous plutôt, vous et moi, d’édifier la cité de Dieu. »

Quoiqu’il devint difficile aux méthodistes d’être admis au sacrement de la cène, qu’ils fussent souvent détournés par des scrupules de le demander à des ministres anglicans, enfin quoique des pasteurs dissidens eussent pris sur eux d’administrer à leurs frères les symboles de la communion, Wesley hésitait à les approuver, et la conférence de 1755 déclara qu’il n’était pas utile de se séparer de l’église d’une manière absolue. Elle voulait, comme Wesley, laisser une porte ouverte à la réconciliation ; mais l’organisation du méthodisme, ouvrage personnel du génie pratique du fondateur, fut confirmée et encore renforcée par les conférences de 1768 et 1770. Les sociétés qu’elle comprenait dans son sein et les classes, élément des sociétés, comptaient à cette époque 29,466 membres, et Wesley, parvenu à sa soixante-troisième année, écrivait :

« Le pouvoir que j’exerce, je ne l’ai pas cherché ; il m’a été imposé, et j’ai dû en user de mon mieux et d’après les lumières de mon jugement. Je ne l’ai jamais aimé ; je l’ai toujours porté et je le porte encore