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refroidir sur le dogme, ils donnèrent à leur mission un caractère tout pratique. Ils comprirent que la charité même devait en quelque sorte se recommander à une société civilisée par des bienfaits publics, par des améliorations sociales, et que dans cette tâche le dissent leur offrait des auxiliaires qu’ils ne devaient pas repousser. Les dissidens en effet, stimulés par l’exemple des méthodistes, avaient, sans adopter leur théologie, repris à cœur les œuvres chrétiennes. Ce fat un baptiste, Howard, qui entreprit la réforme des prisons. Dans la guerre déclarée à la traite et à l’esclavage des noirs, les quakers eurent presque tout l’honneur de l’initiative, et certes les amis de Wilberforce n’eurent jamais à se repentir de leur alliance avec Thomas Clarkson et William Allen. Des sociétés chrétiennes on bienfaisantes, la société biblique, celle des écoles, furent fondées en dehors de tout esprit de secte, tandis que chaque secte eut sa société des missions, et la plus importante est peut-être celle des méthodistes. Il n’est aucune de ces créations qui n’ait obtenu la sympathie et la protection des évangélistes. Puissans dans le parlement, ils obligèrent le pouvoir à compter avec eux ; mais en s’associant à tous les efforts d’une philanthropie éclairée, ils se distinguèrent toujours par une piété orthodoxe, et dans le monde politique ils furent appelés le parti des saints.

Le même titre avait été donné dans l’origine aux méthodistes, et entre eux et les évangélistes le désaccord ne pouvait être éternel. Wesley prenait un égal intérêt à toutes ces entreprises bienfaisantes avouées par. la civilisation et le christianisme. Il existe une lettre de lin, du 26 février 1791, la dernière peut-être qu’il ait écrite ; elle est adressée à Wilberforce, et elle exprime une sollicitude ardente pour la glorieuse guerre qu’il soutient contre l’esclavage, cette exécrable infamie qui est un scandale pour la religion, pour l’Angleterre et pour la nature humaine. C’est à cet accord dans le bien, c’est à cette ferveur commune à toutes les sectes dans une œuvre qui sanctifiait le progrès social que se reconnaît le véritable réveil chrétien de l’Angleterre. L’inimitié et l’effroi qu’inspira la révolution française à une grande partie de la nation vinrent bientôt donner à cette renaissance religieuse, surtout au sein de l’église et des classes supérieures, une impulsion plus bruyante et plus étendue ; mais les mêmes causes en altérèrent la pureté. La piété cessa d’être désintéressée, ce fut le torysme qui devint dévot, et la religion se compromet toutes tes fois qu’elle se confond ! avec la politique. Ce sont deux choses fort différentes que le salut des âmes et le salut des sociétés..


CHARLES DE RÉMUSAT.