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cellules cérébrales, attise à elles une quantité considérable de sang.

La circulation générale du cerveau est faible pendant le sommeil ; dans la syncope, elle subit une suppression complète, et chacun de nous a pu être témoin des résultats qu’amène la soustraction du sang dans ce viscère. La moindre émotion, le parfum d’une fleur, déterminent quelquefois des impressions qui, réagissant sur le cœur, en suspendent momentanément les mouvemens ; le sang cesse alors d’exciter le cerveau, et la pâleur de la face est un indice de l’anémie des parties profondes. L’organisme ne déploie plus cette activité extérieure qui est le propre de la vie, il tombe faible ; les manifestations intellectuelles ne se produisent point, les impressions lumineuses et auditives cessent d’être perçues ; mais qu’un courant d’air vif et frais vienne frapper la face, la vie renaît, les mouvemens du cœur reprennent, le visage se colore, et les phénomènes intellectuels et sensoriaux réapparaissent dans un ordre inverse à celui qu’ils avaient lorsqu’ils ont cessé. — Le chirurgien anglais Astley Cooper produisait des phénomènes analogues sur des chiens en comprimant au cou les artères du cerveau ; l’animal s’anéantissait et tombait dans un assoupissement profond. La compression était-elle suspendue, la vie cérébrale renaissait aussitôt ; ce n’était là toutefois qu’une image bien affaiblie de ce qui se passe dans la syncope. Il était réservé à un de nos physiologistes d’entrer plus avant dans le mécanisme du phénomène. Faire revivre momentanément une tête détachée du corps et la faire revivre par le sang artériel, tel fut le problème que M. Brown-Sequard posa et résolut. Voici les détails de cette expérience mémorable. — Un chien est décapité. La tête encore chaude est séparée du tronc, à la jonction du col et de la poitrine. Les manifestations de la vie disparaissent peu à peu, et l’œil perd en dernier lieu son expression. Un courant électrique appliqué à la moelle allongée ne détermine bientôt plus de contractions, les mouvemens respiratoires des narines, des lèvres, cessent complètement. Après dix minutes, M. Brown-Sequard adapte aux quatre artères de la tête un système de tubes qu’il met en rapport avec un sang privé de la partie coagulable et chargé d’oxygène. A l’aide d’un mécanisme artificiel qui supplée à l’action du cœur, l’expérimentateur fait circuler le sang dans toutes les parties du cerveau et de la moelle allongée. Quelques instans s’écoulent à peine, et déjà des tressaillement irréguliers animent la face, ils deviennent plus accusés, et bientôt des mouvemens réapparaissent dans tous les muscles, les yeux deviennent mobiles. Tous ces mouvemens, dit M. Brown-Sequard, semblent dirigés par la volonté. L’expérience fut prolongée un quart d’heure, et durant tout ce temps les manifestations vitales, en apparence volontaires, continuèrent. Elles