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vitalité : c’est d’abord qu’elles sont très grandes et qu’en outre elles ont toujours été maîtresses de leur sort. Elles se composent de plusieurs villages et hameaux, et ont une population qui est généralement de plusieurs milliers d’âmes. Elles ressemblent en cela au township américain. Cette étendue, et par conséquent les ressources dont elles jouissent, permettent aux municipalités rurales de l’Italie d’avoir des institutions qui ne pourraient guère s’introduire dans les communes microscopiques de la France. Ainsi les communes rurales de la Toscane ont chacune un médecin attitré, nommé par le conseil municipal et payé sur le budget communal. Ce médecin, moyennant une allocation annuelle de 800 à 2,000 francs, est tenu de fournir gratuitement ses soins à tous les habitans, sans qu’il puisse rien réclamer qu’un moyen de transport pour les trajets de plus d’un mille. La commune a souvent aussi une sage-femme, également rétribuée sur les fonds communaux. L’instruction, jusqu’à ces dernières années, était nulle parmi les populations agricoles. Les écoles étaient trop peu nombreuses pour qu’il fût facile à toutes ces familles dispersées d’y envoyer leurs enfans. Le goût de l’étude n’était d’ailleurs pas éveillé parmi les paysans. Il y avait des maîtres privés qui allaient de maison en maison enseigner la lecture, l’écriture et le calcul. Ils se faisaient payer 1 franc 50 ou 2 francs par mois pour trois leçons par semaine. Ces instituteurs vagabonds étaient ordinairement des colporteurs ou des marchands qui trouvaient l’occasion, de débiter leurs denrées ou leur pacotille en même temps que leurs leçons. On devine ce que valait un pareil enseignement. Aujourd’hui les écoles sont en bien plus grand nombre et toutes sont gratuites. D’un autre côté, l’établissement de la grande industrie a ouvert les yeux des habitans sur les avantages de l’instruction. La majorité des enfans commence à la recevoir.

Si nous passons aux vastes plaines des maremmes, nous trouvons une population dont les habitudes et les idées sont tout autres que les idées et les habitudes des habitans des collines ou des vallées. Dans les maremmes, la petite propriété est inconnue ainsi que la petite culture ; l’épargne n’y existe pas non plus. La grande majorité des habitans se compose d’ouvriers industriels et de journaliers agricoles. Souvent les mêmes individus, suivant l’époque de l’année, prennent l’une ou l’autre de ces qualités. Rien de pittoresque ou de patriarcal parmi eux. Les usages poétiques, les vieilles traditions, sont perdus dans ces plaines. L’esprit religieux est moins fort, les convictions politiques sont plus ardentes et plus avancées, le lien entre les diverses classes est plus lâche, les relations sociales sont moins conciliantes et plus âpres. C’est le contraste habituel qui se rencontre entre les plaines et les vallées, les collines ou les