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Telle est, en première ligne, la rouille du blé, uredo segetum. Ce végétal microscopique envahit des champs entiers. On a remarqué qu’il se développe surtout dans les terres humides, et on est parvenu à en combattre efficacement la propagation par le drainage, qui sèche et assainit le sol. Tel est encore le charbon, uredo carbo, dont les innombrables granules noirs comme du charbon s’introduisent à la partie supérieure des barbes de l’épi et plus tard, dans le battage, se mêlent au grain. Il est indispensable de s’en débarrasser avant la mouture au moyen d’énergiques et coûteux nettoyages. La carie du froment, uredo caries, est également une des variétés de ces pernicieuses cryptogames qui s’attaquent à la plus utile de nos graminées. Les semences que l’on confie à la terre en contiennent souvent le germe, qu’il est alors possible de tuer par le chaulage et le sulfatage des grains. Ces cryptogames donnent à la farine et au pain une couleur grise et un goût désagréable ; il ne serait même pas impossible qu’elles fussent les causes de certaines maladies. Quant à l’influence qu’elles exercent sur les animaux nourris avec les herbes infestées, les opinions sont partagées. Quelques auteurs attribuent à la rouille une grande mortalité constatée parmi les brebis et les chevaux ; mais M. Magne, directeur de l’école d’Alfort, déclare avoir engraissé un lot de moutons avec de la paille de blé fortement rouillée. D’après le témoignage du docteur Duguès, une cryptogame parasite du maïs serait employée au Mexique comme substance alimentaire ; elle y porte le nom de cuervo (corbeau), à cause de sa couleur noire.

Beaucoup de médecins attribuent la pellagre, qui sévit parmi les populations indigentes du midi, à la consommation habituelle de la farine de maïs altéré, et signalent comme la cause prochaine de cette terrible affection le verdet, épiphyte dangereux qui se développe sur le maïs lorsqu’il est encore sur pied. S’il n’est pas entièrement démontré que la pellagre soit une conséquence de l’usage de la farine gâtée par le verdet, on a du moins constaté une coïncidence significative entre les mauvaises récoltes et la recrudescence des maladies de la peau. On admet également que l’usage du blé carié entraîne des inconvéniens d’une nature analogue.

Les autres plantes qui servent à notre nourriture ont aussi leurs champignons parasites, et ceux-ci, dans ces dernières années, ont valu à l’agriculture de véritables désastres. La maladie des pommes de terre, dont nous avons eu occasion ici même de décrire les causes, la marche et les remèdes, a réduit à la famine des districts entiers d’Irlande, et en Russie de vastes provinces où la savoureuse solanée formait la base de l’alimentation publique. Les sporules de l’oïdium Tuckeri, développées d’abord, à ce qu’il paraît, dans des