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sence de la croix ? Quand les ennemis de Jésus, le tenant désormais en leur pouvoir, assouvissaient lentement sur lui les plus brutales vengeances, le disciple qui l’avait livré, présent à son humiliation, dut avoir un moment de triomphe qui tourna pour les autres en scandale. — Et le simulacre de jugement, et la flagellation, et la royauté dérisoire, et le crucifiement, quel scandale ont-ils dû produire ! Le Christ est abandonné de ses disciples ; on ne voit plus autour de lui qu’attentats de la soldatesque ou du peuple, ironie, outrages, mauvais traitemens. — « Si tu es fils de Dieu, lui cria-t-on du pied de sa croix, descends de ce gibet, et nous croirons en toi. » Mais ce qui dépasse toutes les bornes de l’insulte, toutes les inventions de la perversité, c’est qu’on lui préfère un voleur, un homme de rapine et de sang. « Qui voulez-vous que je délivre en ce jour, le Christ ou Barabbas ? — Barabbas ! s’écrie tout le peuple juif, nous voulons Barabbas, et celui-là, crucifiez-le. » Fut-il jamais une mort plus ignominieuse ? Et il meurt seul, sans amis, sans disciples ; c’est un voleur, compagnon de son supplice, qui le confesse au haut d’une Croix. Non, jamais tous les scandales accumulés n’approchèrent de celui-là. Sa sépulture même est une aumône. — C’est ainsi que la vérité envoyée du ciel a pris naissance sur la terre : son passage a été environné de circonstances qui ont été l’épreuve des forts et la perte des faibles. Elle a accompli le mot divin prononcé par elle-même : malheur à celui qui se scandalise !

La vie des apôtres, la prédication de l’Évangile n’ont pas été plus exemptes de scandales et de persécutions. Les apôtres se dispersent, ils fuient et se cachent, ils prêchent dans l’ombre, et pourtant la religion fleurit ; elle s’étend rapidement, en vertu des prodiges qui ont signalé son berceau. Un d’entre eux descend par une fenêtre pour échapper à la mort ; d’autres emprisonnés, chargés de chaînes, ont besoin qu’un ange les délivre. Quand les puissans du monde les chassent, des pauvres, des artisans les accueillent. Ils sont entourés d’une pieuse sollicitude par des revendeuses de pourpre, des faiseurs de tentes, des corroyeurs, dans des quartiers retirés des villes ou sur les bords de la mer. Telle était la marche tracée par Dieu même dans son inénarrable sagesse. Quand Paul lui demandait le calme et la paix pour le succès de sa prédication, Dieu lui répondait : « Il te suffit de ma grâce, car ma puissance éclate dans la faiblesse. »

« Maintenant, ma pieuse et vénérée dame, continue l’auteur de la consolation, si vous dégagez les événemens heureux du milieu de nos adversités, vous pourrez bien n’y pas trouver des prodiges et des miracles ; mais à coup sûr vous y reconnaîtrez un enchaînement merveilleux de desseins qui proclament la Providence. — Il ne faut