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votre prudence, les ressources de votre philosophie ; je sais enfin qu’il est en votre pouvoir de commander à cette mer furieuse de la tristesse, et de ramener la sérénité dans votre cœur… Qu’y a-t-il donc à faire ? Lorsque vous entendrez dire que telle église est tombée, que telle autre est chancelante, que telle autre encore est cruellement battue par les flots et menace de sombrer, que plusieurs ont un loup pour pasteur, un pirate pour pilote, un bourreau pour médecin, il vous est sans doute permis de vous attrister, puisqu’on ne saurait voir ces choses sans douleur ; mais ne vous affligez pas outre mesure. Si pour nos propres péchés, pour les actes dont nous avons à rendre compte, il n’est ni nécessaire ni bon de trop s’affliger, à plus forte raison est-ce inutile, fatal et même satanique de tomber dans l’abattement et le désespoir pour les péchés des autres… »

Il cite à ce sujet l’exemple de saint Paul, qui, après avoir chassé de l’église un chrétien coupable d’un grand crime, l’y fait rentrer, pour que sa douleur excessive, fruit du repentir, ne le consume pas.

« Or, continue-t-il, dites-moi, Olympias, si l’apôtre ne permet pas qu’un homme aussi criminel se laisse plonger dans le chagrin ; s’il a recours au plus extrême des moyens, le pardon, pour arrêter cette plaie de la tristesse, persuadé que tout excès est diabolique, ne serait-ce pas une folie, une démence véritable de vous laisser abattre pour les péchés d’autrui ?… Si vous me dites encore : Je veux, mais je ne puis pas, et moi aussi je vous répéterai : Vaines excuses, inutiles prétextes ! Quand de noires pensées vous assailleront, ou que vous entendrez quelque récit capable de les réveiller en vous, retirez-vous dans le fond de votre conscience, et pensez au jour terrible où le monde sera jugé. Devant celui qui n’a besoin ni d’accusateurs, ni de témoins, personne ne répond pour un autre ; à chacun ses actions, à chacun sa sentence. Songez-y et opposez une frayeur salutaire à cette tristesse qui sert d’instrument au démon, puis engagez la lutte avec fermeté. Il vous suffira d’un peu de décision pour que le sombre tissu disparaisse plus promptement qu’une toile d’araignée… »

Eh ! pourquoi donc Olympias se laisserait-elle troubler pour les péchés d’autrui, et, persécutée, s’exposerait-elle à périr pour les crimes des persécuteurs ? Olympias peut comparaître telle qu’elle est et sans crainte devant le redoutable tribunal. Quelle vie est plus pure que la sienne, quel cœur plus grand, quelles mains plus libérales, et qui, ayant reçu du ciel les dons les plus magnifiques, en a jamais fait un plus magnifique emploi ?

Pour soutenir la noble créature, qu’une fatale défaillance de l’âme entraîne à sa perte, lui rendre confiance en elle-même, la relever enfin à ses propres yeux, il exalte les perfections de cette fille de son