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On aurait surtout évité de laisser pour le moment le beau rôle à l’ancien préfet de la Seine.

Il y a une autre question d’une nature toute différente où l’on s’est aussi un peu pressé sans une nécessité impérieuse, c’est cette affaire des admissions temporaires qui se lie intimement à la question des traités de commerce, si ardemment débattue depuis quelque temps. Certainement, s’il est une chose étrange, c’est cette recrudescence d’agitation qui s’est manifestée en faveur des idées de protection commerciale au moment même où les idées de liberté politique reprenaient leur empire. C’était jusqu’à un certain point une épreuve pour le nouveau ministère, puisque quelques-uns de ses membres, par leurs tendances, par leurs affinités, pouvaient être considérés comme peu favorables à la liberté commerciale, dont M. Émile Ollivier est de son côté le partisan décidé. Qu’allait-on faire ? qu’allait-on répondre aux agitateurs protectionistes qui ont pris récemment pour objectif direct la dénonciation immédiate du traité avec l’Angleterre ? Il est évident que l’agitation protectioniste a dépassé le but. Pour cette année, le traité de commerce ne sera pas dénoncé, et il ne pouvait pas l’être, parce que ce serait une faute politique des plus graves vis-à-vis de l’Angleterre, parce que d’un autre côté, en présence de la grande enquête qui se prépare, ce serait une prétention singulière de vouloir imposer une décision brusque aux pouvoirs publics avant que tous les intérêts aient été consultés. Sur ce point du reste, il n’y a plus de doute ; le nouveau ministre du commerce, M. Louvet, vient de le déclarer dans le sénat, le traité avec l’Angleterre ne sera pas dénoncé. Restait ce qu’on appelle la faculté d’admission temporaire, c’est-à-dire le droit d’introduire en France certaines matières premières, les tissus, la fonte, à charge de réexportation. Un récent décret a tranché la question en supprimant l’admission temporaire pour les tissus en la maintenant pour la fonte. Nous ne nous arrêterons pas à demander la raison de cette différence, lorsque la fraude, dont on a parlé si souvent, est infiniment plus facile pour les fontes, qui continuent à être admises, que pour les tissus, qui ne peuvent plus être introduits en franchise de droits. Nous ferons seulement remarquer que ce décret, qui est une satisfaction pour les grands manufacturiers protectionistes, frappe d’un autre côté d’une façon peut-être irréparable une grande industrie, celle des imprimeurs sur étoffes, qui vivait justement par le droit d’admission temporaire. Nous ajouterons que cette mesure n’était pas si urgente, puisqu’on allait aborder ces questions dans le corps législatif, et que dans le débat pouvait se produire l’idée d’une transaction que bien des esprits recherchent. C’était enfin trancher d’autorité un problème des plus complexes, qui touche à une nécessité d’intérêts, et qui dans tous les cas ne pouvait être résolu qu’après les délibérations les plus mûres. M. Louvet s’est un peu hâté, et il n’a