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histoire qui, depuis sa prise de possession du grand répertoire, ne cesse de se reproduire. Il semble d’abord que les choses vont bien marcher, puis vers le milieu du second acte, quand ce n’est pas plus tôt, la voix se détraque, le geste extravague, et chacun de se demander si la pièce ira jusqu’au bout. La Marguerite du Faust de M. Gounod est, à vrai dire, l’unique rôle où Mlle Hisson se soit encore montrée supportable, et comme si cette aventureuse personne avait à cœur de déjouer toutes les prévisions, c’est dans les mignardises du rôle qu’elle, habituée aux éclats de voix, aux grandes pantomimes, s’est surtout fait remarquer. — Pour ce qui touche à dona Anna, je ne crois pas qu’il soit possible de prendre plus à contre-pied ce caractère. Et la musique, est-elle assez maltraitée ! À chaque instant, des interpolations et des ratures, des mesures entières qu’on supprime à cause de certaines vocalises trop difficiles ; mais comment donc faisaient les autres, comment fait Mme Sass, qui, pour l’agilité, n’est pas une Sontag, que je sache ? Un rôle est ce qu’il est, et mieux vaut cent fois n’y pas toucher que de le massacrer de la sorte. À cette reprise, qu’attristait en outre l’éloignement de M. Obin, doit succéder celle du Freyschütz. La partition de Weber est à l’étude et naturellement le poème aussi. Quel poème ? est-ce une traduction nouvelle ? Nous aimerions à le croire ; mais on nous assure qu’il s’agit tout simplement d’exhumer la pièce représentée jadis avec des illustrations mélodramatiques de Berlioz. S’il en est ainsi et si les paroles sont celles qui se peuvent lire dans la partition française publiée chez Brandus, nous appelons l’attention de qui de droit sur l’indispensable nécessité qu’il y aurait de faire reprendre ce texte en sous-œuvre et de l’écheniller vers par vers. Même observation pour ce qui regarde l’arrangement musical du dialogue ; ces empâtemens de couleurs, appliqués çà et là sur le dessin de Weber d’une main souvent brutale, produiraient aujourd’hui l’effet le plus désastreux. Berlioz avait de ces contradictions ; lui, toujours prompt à crier au scandale, au vandalisme, trouvait fort simple d’instrumenter l’Invitation à la valse, et de s’établir en voisin au beau milieu de l’orchestre du Freyschütz. C’est contre cette intervention un peu forcée que ne manquera pas de réagir, avec son goût et sa science, l’artiste placé à la tête de la direction musicale de l’Opéra, bien convaincu d’ailleurs qu’une œuvre de Weber doit rester ce que le maître a voulu qu’elle fût, et s’alléger au plus vite de tout fardeau qui pourrait la faire ressembler à du Richard Wagner.

Celui-là, on le siffle à outrance aux concerts Pasdeloup, et quand on a fini de siffler, on recommence. C’est qu’aussi le public se défend comme il peut, et jusqu’à présent on n’a rien inventé de mieux que le sifflet pour se défendre contre les agressions de ce genre. Que parle-t-on de la marche de Tannhäuser, du Chant nuptial de Lohengrin ! Nous en sommes, s’il vous plaît, à l’ouverture des Maîtres chanteurs de