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Cucuse dans les bois ou dans les montagnes de la Thrace, dans les retraites cachées où se rassemblaient les joannites, devait réchauffer leurs cœurs et produire de nouveaux élans d’enthousiasme et de fidélité.

Au milieu de ces nouvelles, importantes assurément pour sa cause, il y en avait une qui l’était au plus haut degré, car elle répondait à la seule espérance de justice qui lui restât : on l’informait que la convocation du concile œcuménique était enfin décidée en Occident, qu’une députation allait être envoyée, dans cette vue, par l’empereur Honorius et les églises d’Italie à l’empereur Arcadius à Constantinople, et que la ville de Thessalonique était proposée pour siége du futur concile. On allait jusqu’à désigner les évêques occidentaux et les prêtres de Rome qui composeraient la légation, et, suivant les mêmes informations, leur départ devait être très prochain. Ce fut une grande nouvelle pour Chrysostome, qui n’entendait guère plus parler depuis son départ pour l’exil de ce qui se passait à son sujet, soit à Rome, soit dans le reste de l’Occident. Il sentit qu’il n’y avait pas un moment à perdre pour disposer ses amis de Constantinople à bien recevoir les légats occidentaux, à les prémunir contre les piéges des schismatiques, à les éclairer en tout point sur la situation réelle de l’église ; mais ce n’était pas assez que de préparer les choses à Constantinople, il fallait tout disposer à Thessalonique, en Macédoine, en Achaïe même, pour qu’on ne vînt pas circonvenir les légats et les entraîner dans une fausse voie. Il se hâta d’écrire à l’évêque Anysius, de Thessalonique, et à tous les évêques de Macédoine, au nombre de dix, puis à l’archevêque de Corinthe, métropolitain de l’Achaïe. Dans sa lettre à Anysius, brève et pleine de réserve et de dignité, il parle à peine de lui-même, mais il le remercie du ferme courage qu’il a déployé dans la circonstance, et lui demande la continuation de ses bons offices. « Persévérez, lui dit-il, très honoré seigneur, à faire tout ce que vous croirez utile au service de Dieu ; vous appréciez assez la grandeur de la cause pour laquelle vous avez entrepris cette belle lutte, et les couronnes que le Seigneur miséricordieux réserve à ceux qui travaillent au rétablissement de la paix universelle. » Aux autres évêques de Macédoine, qu’il qualifie d’orthodoxes parce qu’ils persistaient dans sa communion, il adresse des remercîmens pareils, en leur disant que leur zèle à soutenir l’église apportera dans le désert où il réside la plus chère des consolations. Il rappelle. à l’évêque de Corinthe qu’ils se sont connus autrefois et ont entretenu des rapports d’affection qu’il serait heureux de pouvoir renouer, s’il n’avait pas été jeté par tant d’orages aux extrémités de l’univers.