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au lendemain de la destruction de Sainte-Sophie, avaient requis des magistrats l’inventaire des objets trouvés dans la petite sacristie de Chrysostome, meubles, vases sacrés, ornemens précieux, montrèrent la copie certifiée de cette pièce, d’où résultait manifestement l’imposture de ceux qui imputaient à l’archevêque le vol du trésor ecclésiastique, ainsi que la coupable légèreté du synode qui avait admis l’accusation. Une lettre des clercs métropolitains restés fidèles, où le tableau des afflictions de leur église et des autres églises d’Orient était tracé avec énergie, attendrit Innocent jusqu’aux larmes ; il la relut plusieurs fois et pleura. Dans cette lettre, le voile était levé sur Théophile, désigné nominativement comme l’âme de tous les désordres et le machinateur de toutes les infamies, de concert avec Sévérien et Acacius. Ce ne fut pas tout, et l’indignation des Romains n’eut plus de bornes lorsqu’on connut le procès d’Olympias, de Pentadia et des autres diaconesses, et qu’on eut en main leur interrogatoire par le préfet de la ville, pièce officielle dont s’étaient munis deux émigrés de Constantinople, Domitien, économe de l’église métropolitaine, et Vallagas de Nisibe. Bientôt ce furent les persécutés eux-mêmes que l’on vit apparaître : des vierges, des moines torturés, qui allaient étalant, de maison en maison, les marques du chevalet ou les cicatrices de leurs blessures. C’était à qui accourrait pour les voir, à qui les accueillerait, surtout dans les palais patriciens où se professait la foi chrétienne. Palladius reçut l’hospitalité chez deux riches Romains, Pinianus et la jeune Mélanie, célèbres dans l’histoire par la double amitié de Jérôme et d’Augustin. On cite Juliana, mère de la vierge Démétriade, comme ayant logé, alimenté, vêtu pendant plusieurs mois toute une peuplade d’émigrans.

Dès lors les doutes étaient levés, et la nécessité d’un concile œcuménique démontrée ; c’était évidemment le seul remède au mal qui, de proche en proche, envahissait tout l’Orient. Le premier acte d’Innocent fut de renier la communion de l’évêque schismatique de Constantinople et celle des autres intrus de l’Asie en ne répondant point aux lettres par lesquelles ils lui signifiaient leur épiscopat ; son second acte fut de se concerter avec l’empereur Honorius touchant les préliminaires du concile. L’empereur était alors de retour à Ravenne, et le pape, qui résidait à Rome, lui députa quelques-uns de ses prêtres pour lui expliquer les mesures qu’il serait bon d’adopter. Honorius, comme on l’a vu dans les récits précédens, s’était, dès le principe, montré favorable au projet d’Innocent ; puis il avait espéré trancher lui-même les difficultés et rétablir la paix sans concile, par une correspondance de frère à frère, comptant obtenir d’Arcadius, par sa seule influence, le rap-