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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

à prendre pour leur correspondance : « le meilleur était d’attendre des occasions sûres, par les mains d’ecclésiastiques de leurs amis. »

La lettre d’Olympias venait livrer au cœur de l’exilé un suprême et terrible assaut. Toujours aux aguets de ce qui pouvait intéresser son père spirituel, se forgeant au besoin des chimères pour avoir le plaisir de trembler, comme il le lui reproche assez souvent, elle était arrivée cette fois à la vérité ; elle avait appris, par ses intelligences à Constantinople et jusque dans le palais impérial, que le sort du prisonnier était mis en question de nouveau, et la résolution à peu près arrêtée de le reléguer beaucoup plus loin que Gueuse. La translation dans Arabissus suivit de près les bruits parvenus jusqu’à elle. L’inquiétude et le chagrin avaient amené une crise de son affreuse maladie, crise plus violente que toutes celles qu’elle eût encore éprouvées ; un instant, on la crut morte. Quand elle revint à elle, elle n’eut plus qu’une idée, sortir de la vie, d’une vie d’angoisse et de désespoir, et cette idée la poursuivit avec obstination. Ce n’était pas la première fois qu’une pareille obsession, symptôme trop fréquent de son mal, tourmentait Olympias, et plus d’une fois aussi Chrysostome avait opposé au désir impie qu’elle témoignait de mourir des raisons tirées de la philosophie et des commandemens tirés de la religion ; mais, lors de cette dernière crise, ce ne fut plus un simple souhait conçu dans le délire de la fièvre, ce fut un désir ardent, une volonté de mort qui l’aiguillonnait sans relâche. Sa lettre avait été écrite sous l’empire de cette pensée tyrannique, et elle semblait prendre un amer plaisir à verser sa cruelle confidence au sein de son ami. Autant qu’on peut juger de la lettre par la réponse, Olympias raisonnait son désir de mourir ; suivant son habitude, elle s’appuyait sur des exemples et des argumens tirés des livres saints. « Exigerait-on d’elle plus de sagesse que de Job, qui, à bout de souffrances, poussait vers le ciel ce cri déchirant : « Pourquoi suis-je né ? » Elle aussi, réduite au comble du malheur, n’a-t-elle pas le droit de dire, comme ce juste des justes, et comme plus d’un prophète de l’ancienne loi : « Mon Dieu, retirez-moi une vie que je ne puis plus supporter ? »

Cette lettre fit frémir Chrysostome. Olympias n’avait jamais montré tant de résolution dans ce souhait désespéré ; il s’émut surtout de la voir appeler à son aide des textes de l’Ancien-Testament. Dans sa réponse, écrite avec une éloquence parfois sublime, il la supplie, il la conjure d’écarter de son esprit des ténèbres qui lui viennent du démon. De quel droit invoque-t-elle l’exemple de Job ? Job, ce saint homme qui avait mérité les regards de Dieu, n’appartenait ni à l’ancienne loi ni à la nouvelle ; c’était l’effort de sa propre vertu qui en avait fait un athlète merveilleux de la patience, en dehors des