Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au-dessus de toutes les lois de l’église ; il peut en agir avec elles comme bon lui semble ; seul il donne de la force à la loi. » Voilà pourtant le livre qui, pendant tout le moyen âge, est devenu, par les soins de la cour de Rome, le code de l’Occident chrétien ! Saint Thomas y a puisé ses formules sur la primauté et l’autorité du saint-siège. Il s’en est servi en bonne conscience aussi bien que du prétendu document de l’ancienne église grecque fabriqué au XIIe siècle par un théologien latin qui, pour gagner les Orientaux aux théories papales, fait parler au gré du siège de Rome les Chrysostome et les Cyrille. Il prête audacieusement aux pères les plus éminens des cinq premiers siècles des thèses telles que celles-ci : « Jésus-Christ a transmis à Pierre sa toute-puissance, par conséquent le pape est seul en droit de lier et de délier. Christ est absolument avec chaque pape. Un concile ne tire son autorité que du souverain pontife. » Saint Thomas fit entrer ces maximes dans sa Somme, et jamais il ne parut mieux à Rome l’ange de l’école. Il est bon de montrer aux théoriciens de l’infaillibilité pontificale quelle est la généalogie de leur doctrine. M. Manning, dans sa lettre pastorale à son clergé, exprime l’espoir que le concile en finira par un coup d’autorité avec cette damnée critique historique qui trouve toujours des objections nouvelles, et qu’il consacrera la méthode de la foi transcendante. Il a raison, le concile n’aura rien fait s’il n’excommunie l’histoire qui, au point de vue des ultramontains, est une incorrigible hérétique.

Revenons à notre examen rapide des conciles. Nous ne nous en sommes pas écarté, car les falsifications dont nous venons de parler y ont joué un bien grand rôle, spécialement dans ceux qui ont été tenus en Occident. Rien n’est plus dérisoire que les conciles réunis à Rome à partir du XIIe siècle ; le saint-siège ne les convoque que pour faire acclamer tous ses empiétemens. Il les tient sous son absolue dépendance et les fait voter à son commandement. Les conciles de 1123, de 1139 et de 1179 ne portent le titre d’œcuméniques que par le plus étrange abus de langage. On compte au premier six cents abbés pour trois cents évêques. Il n’y a pas même un semblant de discussion : chacun opine du bonnet ou de la mitre après que le pape a parlé. En trois séances, l’affaire fut bâclée au troisième synode de Latran, qui mérita d’être appelé le concile du souverain pontife. Le quatrième synode de Latran fut convoqué en 1215, par Innocent III. Il fut plus nombreux que les précédens, mais non pas moins docile ; le pape fit lire aux pères les décrets qu’il avait préparés, et le Te Deum fut chanté. Le concile de Lyon de 1146 eut pour mission de déposer Frédéric II ; aussi le pape eut-il bien soin d’en exclure tous les évêques allemands. Au synode de Vienne en 1311, Clément V réclama la condamnation des