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a été par ses pratiques le plus puissant missionnaire de l’ultramontanisme. Joseph de Maistre et Lamennais ont trouvé les esprits merveilleusement préparés pour les précipiter dans le courant romain, dont leur éloquence faisait un irrésistible torrent. Aujourd’hui l’ultramontanisme a la majorité dans l’église catholique ; c’est cette majorité qui siège au concile du Vatican, qui espère y faire triompher toutes ses prétentions. Elle y a pourtant trouvé ce vieil esprit « sorbonique et français » tant redouté à Trente, et devenu plus inquiétant pour elle depuis qu’il s’associe au solide savoir de l’église germanique. De là une situation grave et complexe que l’on ne saurait comprendre sans se rendre compte de la préparation et de l’organisation du concile du Vatican, comme aussi du degré de liberté dont il jouit.


II

La bulle d’indiction date du 29 juin 1868, jubilé séculaire du martyre de saint Pierre. Les deux grands partis qui se divisent l’église catholique, et qui sont aussi inégaux par le nombre que par la valeur intellectuelle et morale, espéraient y trouver chacun leur triomphe ou du moins leur avantage. Les libéraux essayaient de se persuader que l’église aurait en quelque sorte ses états-généraux, qui mettraient fin au règne absolu de la curie romaine. La papauté aurait pu profiter du grand concours d’évêques qui se pressaient à Rome à l’occasion du jubilé pour enlever d’acclamation la consécration de son infaillibilité. En réunissant un concile, ne semblait-elle pas reconnaître une autorité supérieure à la sienne, et qui seule était capable de légitimer son droit ? D’un autre côté, les ultramontains, après avoir trouvé dans ces derniers mois l’épiscopat docile à toutes leurs prétentions, comptaient sur une victoire facile qui mettrait un terme définitif à d’incommodes résistances. On ne pouvait rien inférer de la bulle d’indiction, qui posait toutes les questions à la fois. « Le concile œcuménique, disait ce document, devra examiner avec le plus grand soin et déterminer ce qui convient en ces temps calamiteux pour la plus grande gloire de Dieu, pour l’intégrité de la foi, pour la splendeur du culte, pour le salut éternel des hommes, pour la discipline et la solide instruction du clergé, régulier et séculier, pour l’observation des lois ecclésiastiques, pour la réforme des mœurs, pour l’éducation chrétienne de la jeunesse, pour la paix générale et la concorde universelle. » On peut appliquer à ce programme le mot fameux : tout est dans tout. La curie romaine a eu soin d’en déterminer le sens. La Cîviltà cattolica, que l’on peut appeler le journal officiel de la papauté depuis