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que la rédaction de ce recueil a été organisée en une espèce de congrégation par un bref du 12 février 1866, a trouvé que la franchise était cette fois ce qu’il y avait de plus habile. Le 6 février 1869, l’organe de la curie romaine indiquait, comme les points principaux qui devaient être soumis aux délibérations, l’infaillibilité du pape, l’assomption de la Vierge et la promulgation des doctrines du Syllabus, M. Fessier, le secrétaire désigné du concile, y ajoutait la question des rapports de l’église et de l’état, et du pouvoir temporel de la papauté. La Civiltà cattolica s’exprimait sur le Syllabus avec une netteté qui ne laissait rien à désirer. « Les catholiques libéraux craignent que le concile ne proclame la doctrine du Syllabus. Les catholiques proprement dits, c’est-à-dire la grande majorité des croyans, ont l’espoir tout contraire. » Voilà qui est clair et sans ambages. — Le concile devait être, dans la pensée de ceux qui le préparaient, la condamnation sans appel du catholicisme libéral et de la société moderne. La Civiltà ajoutait que l’on avait lieu d’espérer que l’infaillibilité du saint-père serait non pas discutée, mais acclamée d’enthousiasme, et elle rappelait que les meilleurs conciles ont été les plus courts. Ces mots étaient significatifs et révélaient un plan, celui de supprimer le plus possible les débats et de réduire le concile à une vaine représentation. Nous verrons de quelle manière ce plan a été suivi, tout en étant contrarié à plusieurs égards.

Le premier fait à signaler dans la période de la préparation du concile est l’invitation adressée par le saint-père aux deux grandes fractions de la chrétienté qui sont en dehors du catholicisme. Une lettre apostolique fut envoyée aux patriarches d’Antioche, de Jérusalem et de Constantinople ; mais, comme il s’agissait uniquement de venir à Rome faire acte de soumission, elle fut repoussée. L’église grecque invoqua ses traditions plus anciennes, et la Russie aurait pu ajouter qu’en fait d’autorité elle n’avait rien à envier à Rome, et qu’elle pratiquait scrupuleusement les doctrines du Syllabus sur le devoir de persécuter l’erreur. La lettre pontificale adressée aux églises protestantes les sommait également de faire pénitence pour leur révolte passée. Il s’agissait de reconnaître la primauté du saint-siège, et non pas de débattre librement en concile les questions controversées, comme l’avaient fait à Nicée les ariens. Ces églises étaient citées à la barre d’un tribunal pour y être acquittées après amende honorable. Déjà les protestans s’étaient abstenus de paraître à Trente, où on leur offrait pourtant un semblant de discussion. Il est vrai qu’on leur promettait le sauf-conduit de Jean Huss. Au XIXe siècle, ils n’avaient pas à craindre de semblables équivoques, mais, prêts à entrer dans un débat sérieux, ils déclinaient une invitation dérisoire, qui les supposait déjà gagnés d’avance. Le