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et l’église : « que sera-ce quand personne ne pourra plus dire : Je suis catholique, et cependant je n’aspire point à établir la domination de l’église sur l’état ! » Si pour M. de Metz-Noblat la coupe est déjà pleine, il n’est pas étonnant qu’elle ait débordé pour le père Hyacinthe, le premier prédicateur de la chaire catholique, qui se trouvait aux prises avec la tyrannie romaine, dont il dépendait directement par sa situation. On a beaucoup discuté ce grand acte, qui est avant tout un grand sacrifice, surtout dans un pays latin comme le nôtre, qui dit si volontiers vœ solis et n’admet guère les nobles initiatives. On en a contesté l’opportunité, comme si l’heure de la conscience n’était pas l’heure de Dieu même, comme si toutes les raisons secondaires ne s’effaçaient pas devant le devoir d’être fidèle à ses convictions. En tout cas, le père Hyacinthe a dit tout haut ce que tout catholique libéral dit à mots plus ou moins couverts. Son appel au Christ a été une parole décisive dont on verra plus tard la fécondité.

Rome, on le comprend, n’est pas restée inactive dans cette période de préparation, d’autant plus qu’elle entendait bien la faire servir à ses desseins, qu’elle assimile d’emblée aux décrets éternels. C’est la conviction du saint-père, qui est engagé directement par sa foi religieuse dans le parti des zelanti les plus extrêmes. Il ne se tient pas sur ces hauteurs sereines où le pontife d’une grande église, comme le souverain d’un grand état, pourrait se croire obligé de demeurer, afin d’exercer un pouvoir modérateur. Non, il agit comme le vrai chef de l’ultramontanisme. Sans doute il en est de lui comme de tous les chefs des partis politiques ou religieux, il suit l’impulsion plutôt qu’il ne la donne. Les jésuites ont trouvé en lui un soutien d’autant plus précieux qu’il est sincère. Nulle âme n’est plus droite, plus pure. Une auréole de bonté ceint son front, son accueil est paternel, mélangé d’autorité et de familiarité. Sa piété est profonde, mais aussi aveugle que celle de la plus humble paysanne de la campagne romaine. Il a toujours agi par une sorte d’inspiration ; même aux jours de son libéralisme et de sa popularité, il ne décidait l’acte le plus simple qu’après avoir consulté son crucifix, méthode de gouvernement fort dangereuse quand il s’agit de mesures où la raison et le jugement peuvent seuls prononcer. « Il met toujours les sublimités du ciel dans les bas-fonds de la politique, » disait de lui un de ses anciens ministres. Cette nature mobile et ardente explique le revirement de ses opinions à la suite du mouvement de 1849. Depuis lors, Gaëte a été le Sinaï de Pie IX ; c’est à la lueur des éclairs de la révolution qu’il a cru recevoir, comme un nouveau Moïse, les tables de la loi. Les jésuites y ont écrit les doctrines du Syllabus, et le saint-père croit défendre Dieu