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de conditions analogues chez des espèces de groupes plus ou moins dissemblables, portent cette diversité aux plus lointaines limites imaginables. De là les appropriations exclusives des caractères importans de l’organisme.

Par un exemple qui sera compris sans peine, l’idée du rapport qui existe entre les particularités de conformation et le genre de vie sera rendue plus précise. Chacun a entendu parler de ces distinctions d’oiseaux granivores et d’oiseaux insectivores appartenant à une science qui n’est plus de notre temps. Le moineau, le pinson, le chardonneret, sont réputés des granivores, — les fauvettes, les bergeronnettes, des insectivores, malgré leur régime moins exclusif qu’on le supposait autrefois. Tous ces oiseaux offrent absolument la même conformation générale ; les caractères qui les font distinguer au premier coup d’œil, comme la forme du bec, sont d’ordre tout à fait secondaire, et témoignent simplement d’adaptations à des circonstances biologiques quelque peu différentes. D’autres espèces d’oiseaux, presque sœurs par les mœurs et de parenté éloignée par l’ensemble de l’organisation, présentent des traits superficiels analogues qui trompent aisément les observateurs enclins à se fier à l’apparence. Tout le monde sait distinguer les petites hirondelles : hirondelle de fenêtre, hirondelle de cheminée, hirondelle de rivage, et la grande hirondelle ou martinet ; mais tout le monde aussi, sans en excepter beaucoup de naturalistes, se persuade que tous ces oiseaux, appelés d’un nom commun, appartiennent à la même famille. Il n’en est rien cependant ; les petites hirondelles ont la conformation des moineaux, et, presque seules, des appropriations à un genre de vie un peu particulier font la différence. La grande hirondelle est tout autrement construite, et nous montre une remarquable parenté avec ces charmans oiseaux de l’Amérique méridionale qu’on appelle les colibris. Petites hirondelles et grande hirondelle, représentans de deux types des mieux caractérisés, se nourrissent également d’insectes qu’elles doivent happer pendant le vol ; alors elles ont également un bec petit, large à la base et fendu jusqu’au-dessous des yeux ; également destinées à parcourir les airs avec rapidité et à franchir de grands espaces, elles ont également les pennes de leurs ailes d’une longueur exceptionnelle. Ainsi les espèces d’une infinité dégroupes naturels, offrant des dissemblances plus ou moins grandes dans leur genre de vie, se font remarquer par des particularités très apparentes, mais d’ordre secondaire, qui leur donnent les aptitudes nécessaires à des conditions d’existence déterminées ; des espèces de groupes tout à fait distincts peuvent donc se ressembler par quelques traits superficiels, signes certains d’appropriations soit à un régime, soit à des habitudes analogues. L’étude