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s’écarter de leur séjour habituel et même faire d’assez longs voyages ; l’eau de leur réservoir s’écoule avec lenteur en humectant les branchies.

Comme les poissons, les crustacés en général demeurent constamment dans l’eau ; plusieurs crabes, il est vrai, sortent de la mer, mais prudemment ; ils ne s’éloignent pas du rivage, et leurs excursions sont de courte durée. Quelques espèces seules pénètrent dans les terres, et vont au loin courir les campagnes pendant des mois entiers. Ces crabes terrestres, ainsi qu’on les nomme (gécarcins), presque tous joliment parés de vives couleurs, sont répandus dans les régions chaudes de l’Amérique du Sud et fort abondans aux Antilles, où ils marquent par la dévastation leur passage à travers les champs. Ils se distinguent des autres crabes par une carapace bombée et extrêmement haute. On comprend tout de suite l’avantage de cette disposition : la carapace étant fort élevée, la chambre respiratoire est devenue spacieuse, et cette Chambre bien close, tapissée d’une membrane perméable, étant remplie d’eau, les branchies demeurent baignées. L’air aspiré vient alors pleinement satisfaire aux besoins de la respiration. Pour un crustacé habile à grimper sur les arbres, fort abondant sur les côtes de l’Inde, des îles Moluques, des îles Seychelles, etc., le moyen de vivre longtemps hors de l’eau est fourni par une autre disposition également bien simple. Ce crustacé de grande taille, appelé le birgue larron (birgus latro) parce qu’il mange les fruits, n’a ni une carapace très convexe, ni une chambre respiratoire très vaste ; mais au-dessus de ses branchies il existe des végétations vasculaires propres à retenir l’humidité et agissant à la manière d’une épongé. Partout nous arrivons à constater une relation étroite entre l’organisation et les aptitudes, entre les instincts et les caractères des parties externes. C’est ainsi que les conditions de la vie imposées à chaque espèce nous apparaissent déterminées de façon à faire regarder comme impossibles des modifications un peu considérables chez les êtres animés.


IV

Il est une relation d’un genre particulier, des plus intéressantes à suivre dans ses diverses manifestations, c’est celle qui existe entre les facultés des adultes et l’état des nouveau-nés. Les espèces inférieures sont assez fortement constituées dès le moment de leur naissance pour subvenir à leurs besoins sans le secours d’autrui. Les espèces qui nous donnent le spectacle des plus admirables instincts naissent faibles et incapables de vivre sans les soins de leurs mères ou de leurs nourrices. Parmi les êtres qui allaitent leurs petits, ne