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s’exécuteront, et le résultat ne pourra manquer de nous éclairer sur les phénomènes de l’ordre intellectuel. La possibilité de parvenir à expliquer toutes les perceptions des êtres par l’étude comparative des organes des sens paraît évidente. On distingue moins bien ce que l’investigation anatomique du cerveau fournira de lumière sur les actions mentales ; jusqu’à présentées actions ne sont reconnues que par les manifestations qui nous frappent. Nous constatons simplement d’une manière générale que le volume relatif du cerveau et le degré de centralisation des masses nerveuses sont en rapport avec l’étendue des instincts et de l’intelligence. Seulement, dès l’instant que l’on aura obtenu une notion précise des organes des sens et des facultés de chaque espèce, l’étendue des perceptions pouvant être déterminée de la façon la plus nette dans tout animal, il sera permis de concevoir l’espérance d’arriver à un résultat considérable en étudiant le cerveau d’une manière comparative chez les espèces reconnues susceptibles des mêmes perceptions et chez les espèces ayant des perceptions d’un autre genre. En procédant de la sorte, la science rebelle à toute croyance venant de l’imagination ne s’écartera pas des voies de l’observation et de l’expérience.

Les êtres bien organisés ont une mémoire surprenante, sans cesse remarquée par les personnes qui aiment la compagnie des animaux ; ceux-ci se souviennent d’un bienfait, d’une injure surtout. Un chien reconnaît l’ami de la maison après nombre d’années, et les lieux qu’il revoit après une longue absence. La faculté de raisonner, de comparer, d’apprécier les situations, ne se sépare point de la mémoire. Les animaux sauvages se montrent confians dans les localités où l’homme les laisse vivre en paix, pleins de défiance dans les endroits où la présence de celui-ci leur est devenue redoutable. Le témoignage des voyageurs qui ont exploré des contrées inhabitées est précieux à recueillir. « C’est une chose curieuse, dit Livingstone, que d’observer l’intelligence des animaux sauvages. Dans les contrées où on les chasse avec des armes à feu, ils se tiennent dans les endroits les plus découverts du pays, afin d’apercevoir le chasseur du plus loin qu’il est possible. Il m’est arrivé si souvent, lorsque j’étais sans armes, d’approcher, sans les inquiéter, d’animaux qui, lorsque j’avais mon fusil, s’enfuyaient dès que j’apparaissais, que je suis persuadé qu’ils comprennent parfaitement le danger qu’ils courent dans ce dernier cas et la sécurité qu’ils peuvent avoir en face d’un homme désarmé. Ici, où ils n’ont à craindre que les flèches des Balondas, ils demeurent pendant le jour au fond des forêts les plus épaisses, où le tir de l’arc est beaucoup plus difficile. »

Il est curieux d’observer l’effort d’un animal cherchant à comprendre. Une glace est posée à terre, un chat survient qui se