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M. Devillers ; l’autre, celui du laisser-faire, a eu pour principal défenseur M. Fauvel. La vérité pratique ne nous paraît être ni dans l’un ni dans l’autre système, mais elle est moins encore dans le premier que dans le second.

Si l’étude du passé nous apprend quelque chose, c’est précisément l’insuffisance, pour ne pas dire l’inutilité de la réglementation. Ni les ordonnances du roi Jean, ni les arrêts du parlement, ni les lettres patentes de Louis XIII et de Louis XIV, ni les règlemens de police, n’ont pu empêcher le mal ; monopole au profit de quelques industriels, monopole de l’état au profit de tous, concurrence surveillée, tout a échoué. Un seul remède nous reste, mais celui-là énergique et digne du XIXe siècle ; il faut que tous connaissent la vérité, que tous apprécient la portée et l’étendue du mal, que tous comprennent que, s’il est de leur intérêt de le combattre, on ne peut l’atténuer ou le faire disparaître que par un concours commun. Or ce qui l’a fait naître, ce qui l’entretient, c’est la funeste habitude de recourir à l’allaitement mercenaire. Il y a peu de bonnes nourrices, il en est beaucoup de médiocres, et plus encore de mauvaises. Pour supprimer ces dernières, il faut les rendre inutiles en proportionnant les besoins aux ressources, en mettant en rapport l’offre et la demande ; pour cela, il n’est qu’un seul moyen : arriver à ce qu’un plus grand nombre de mères nourrissent leurs enfans, remettre en honneur dans la population parisienne l’allaitement par la mère.

Lorsqu’une femme est devenue mère, son devoir est de nourrir elle-même son enfant : tel est le principe que nous devons poser tout d’abord. Malheureusement il faut certaines conditions de fortune ou de santé qui ne se rencontrent pas toujours. Telle femme possède les ressources que donne la richesse, mais sa constitution délicate semble lui rendre difficile ou dangereux l’accomplissement des devoirs maternels ; l’autre est riche de santé, mais elle doit vivre de son travail, et l’allaitement d’un enfant est incompatible avec ses occupations journalières. Ce que nous voulons montrer, c’est que ces obstacles, qu’on s’exagère trop facilement, se voient dans la pratique beaucoup moins souvent qu’on ne le supposerait d’après la fréquence de l’allaitement mercenaire.

A Paris, parmi les femmes de la classe riche ou aisée, il en est peu qui nourrissent elles-mêmes leurs enfans. Les motifs de cette abstention sont nombreux ; le moins bien fondé et cependant un des plus puissans est malheureusement celui-ci : ce n’est pas l’usage, ou, si l’on veut, la mode. A cela nous n’avons rien à opposer, rien, si ce n’est l’intérêt de l’enfant, argument auquel ne saurait rester insensible le cœur d’une jeune mère. Sans doute la nourrice sur