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LA
SOCIETE DE BERLIN
DE 1789 A 1815
D’APRES DES CORRESPONDANCES ET DES MEMOIRES DU TEMPS PUBLIES DE 1859 A 1869.

I.
LE MONDE ISRAELITES ET LES IDEES NOUVELLES.


I

Il y a d’étranges contradictions dans la vie des peuples. La période que la France considère volontiers comme la page la plus humiliante de son histoire, l’époque où elle perdit pour toujours ses colonies, où sa gloire militaire elle-même sembla s’éclipser, fut incontestablement celle de sa plus grande influence en Europe. Tout ce que l’état perdait en force matérielle, la nation le regagnait en puissance intellectuelle, grâce à l’essor incomparable de sa littérature et de sa philosophie. C’est ainsi que, cinquante ans plus tard, les idées allemandes allaient trouver le chemin de la France au moment même où le vainqueur d’Iéna tenait l’Allemagne écrasée sous son talon ; le livre de Mme de Staël est de 1810. Tout le XVIIIe siècle fut à genoux devant l’esprit de la France. A toutes les cours de l’Europe elle envoie ses idées et jusqu’aux hommes qui doivent réaliser ses idées. Le mouvement littéraire de l’Allemagne doit en grande partie sa naissance et surtout la direction qu’il a prise à