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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1870.

Il y a aujourd’hui deux choses également vraies, quoique au premier coup d’œil elles aient l’air de se contredire. La situation de la France, telle qu’elle apparaît, est certainement libre, aisée, rassurante, plus rassurante qu’elle n’a été depuis bien des années, et en même temps elle reste critique et indécise. D’un côté, tout est presque beau et souriant ; de l’autre, tout est laborieux et difficile.

L’amélioration qui s’est faite, et qui est un des signes caractéristiques de l’heure actuelle, est surtout sensible par cet apaisement qui a pénétré dans les esprits, dans le corps législatif, jusque dans les discussions de la presse. On dirait que nous sommes passés subitement d’une atmosphère enflammée et violente dans une atmosphère pacifiée. La physionomie de notre France renouvelée n’a plus de ces contractions qui révèlent les luttes intérieures. Qu’on rapproche un instant par la pensée ce qu’on voyait il y a bien peu de temps encore et ce qu’on voit en ce moment : la différence est faite pour frapper tous les regarde. Il y a deux mois à peine, la politique ressemblait à la mêlée la plus orageuse. On s’exaltait ou l’on doutait ; les passions ne désarmaient pas, et elles étaient d’autant plus bruyantes, d’autant plus agressives, que toute incertitude n’était point dissipée. Les partis semblaient s’aborder avec un arriéré d’animosités et de défiances. Au premier choc d’une discussion parlementaire, l’étincelle électrique éclatait, et alors, à propos de tout et de rien, c’était l’invariable défilé des souvenirs irritans, des allusions blessantes et des soupçons injurieux. On se raidissait et on défendait son terrain de peur des surprises. Aujourd’hui on n’en est plus là visiblement. La passion elle-même s’émousse, les déclamations furieuses sont sans écho, et entre combattans sérieux on se salue avant d’engager la lutte. Les concessions au besoin ne semblent plus impossibles dès qu’une méfiance invincible n’est plus le mobile avoué ou inavoué de toutes les résolutions. Bref, un souffle de bonne volonté se répand un