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pourrait la lui contester. La Hesse se trouve ainsi enlacée de toutes parts dans un réseau qui gêne singulièrement la liberté de ses mouvemens, une partie de son territoire relevant de la confédération du nord, et le reste ne s’appartenant qu’à moitié : situation difficile et périlleuse, qui semblait faite pour ne pouvoir durer et qui dure encore, grâce surtout à la patiente ténacité de l’habile président du ministère hessois, le baron Dalwigk, dont les résistances ont plus d’une fois mécontenté Berlin. On le lui a fait sentir. Le 24 novembre 1867, le chancelier fédéral lui adressait une note amère et sèche pour le blâmer de s’être laissé inviter par la France à une conférence européenne sur la question romaine. Au mois d’avril 1868, M. de Bismarck frappa un second coup ; il se plaignait que le grand-duché procédât trop lentement à la réorganisation de son armée et à l’exécution des traités. Il s’en prit au général divisionnaire, le prince Louis, qui rejeta la faute sur le ministre de la guerre. Le cabinet de Berlin menaçait, si on ne lui donnait satisfaction, de transporter à Cassel les troupes de la Hesse supérieure et de remplacer le prince par un général de division prussien. Le prince donna sa démission. Cette pression, habilement concertée, ne manqua point son effet ; la Hesse dut faire son peccavi, et le 21 avril des officiers prussiens arrivaient à Darmstadt pour y prendre en main l’administration militaire. Le ministre de la guerre avait reçu son congé, mais M. Dalwigk est toujours là.

Le génie français est rectiligne de sa nature, et les situations fausses lui sont insupportables ; il est prêt à tous les sacrifices pour en sortir. L’esprit allemand en prend mieux son parti, il en fait le tour, il en examine les bons côtés, et cherche à s’y établir le plus commodément possible. A son obstination naturelle, qui le rend capable de longues résistances, il joint le talent de la procédure, et alors même qu’il a perdu le principal, il multiplie les incidens ; il plaidera jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus rien à perdre. L’histoire d’Allemagne en offre une foule d’exemples, grands et petits, et ce qui se passe à Darmstadt en est un. Il semblait que la population hessoise ne pourrait supporter longtemps de se voir partagée par le Mein en 250,000 Allemands du nord et en 600,000 Allemands du sud. La destinée des premiers paraissant irrévocable, on pouvait croire que les seconds ne tarderaient pas à les rejoindre et à se fondre avec eux dans la confédération du nord. Peut-être l’espérait-on à Berlin. C’eût été une première entorse donnée au traité de Prague, et un tel exemple aurait pu devenir contagieux. Quand la convention militaire fut présentée au parlement hessois, les nationaux et quelques conservateurs de la seconde chambre se réunirent pour demander l’accession. Ils faisaient valoir des raisons de convenance, d’utilité, de nécessité politique, de patriotisme allemand, et représentaient