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LA
QUESTION OUVRIERE
AU DIX-NEUVIEME SIECLE

LE SOCIALISME ET LES GREVES.

Dans un discours qui date de quelques années et qui eut un grand retentissement en Europe, l’un des hommes d’état les plus illustres de notre temps, M. Gladstone, a osé dire que le XIXe siècle serait appelé par l’histoire « le siècle des ouvriers. » Il y a dans cette parole une part notable d’exagération oratoire : entendue à la lettre, elle serait non moins injuste qu’inexacte ; mais elle exprime, sous une image un peu forcée, la place importante et presque prépondérante que les questions de travail et de salaire ont prise dans les préoccupations de la société contemporaine. Les populations ouvrières ne jouent pas encore dans notre civilisation le principal rôle, et peut-être ne le joueront-elles jamais ; toutefois leurs intérêts, leurs doctrines, leurs aspirations, ont acquis, au point de vue de la paix et de la liberté sociale, une influence qui grandit chaque jour. La révolution mémorable qui ferma le siècle dernier avait eu la prétention de détruire toutes les distinctions de classes et de ne plus laisser subsister aucune barrière entre les différentes parties d’un même peuple. Cependant, comme si les efforts magnanimes de nos aïeux s’étaient trouvés illusoires, les fractions de la société qui