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On a enfin parlé d’infliger à la nation grecque une forte amende, on a même été jusqu’à en porter le chiffre à 1 million 1/2 de francs. Si le crime d’Oropos était un acte national, il serait une cause, non d’amende, mais de guerre ; s’il n’est pas national, il n’y aurait aucune ombre de justice à réclamer une indemnité. Au reste, rien n’a été fait sans le concours ou l’assentiment du ministre d’Angleterre, et même en partie de lord Clarendon ; c’est ce qui ressort de la correspondance imprimée. Je suppose qu’au mépris de la justice on forçât le peuple grec à payer 1 ou 2 millions pour un crime commis par des étrangers sur son territoire : le premier effet de cette extorsion serait d’ôter aux Hellènes, qui ne sont pas riches, le moyen de poursuivre les coupables ; on les empêcherait d’organiser une grande chasse contre les bêtes féroces dont ils sont les premiers à souffrir. Lord Clarendon a donc eu raison de dire que la vraie satisfaction que la Grèce doit aux morts, c’est de se débarrasser elle-même du fléau qui la désole. Voilà d’excellentes paroles en parfaite harmonie avec le sentiment unanime des Hellènes, et qui pour cela ne resteront pas sans effet.

Arrivons aux moyens sérieux d’action. Transformer un état de choses qui date peut-être de cinq mille ans et devant lequel de grandes puissances ont passé sans y porter remède, changer la condition sociale des Vlachopimènes ou les anéantir, voilà ce que l’on demande aux 1,500,000 habitans du royaume hellénique. Je ferai d’abord remarquer que toute tentative de la part du gouvernement grec échouera, au moins en partie, si le cabinet turc n’agit pas de son côté, car la moitié de la chaîne du Pinde est en Turquie, et les familles des bergers nomades y sont aussi. Que la Grèce vienne à donner au pâturage une organisation meilleure, cela n’empêchera pas les "Vlaques de Turquie d’organiser des bandes de brigands qui descendront comme les frères Arvanitakis jusqu’aux portes d’Athènes. Alors la répression du brigandage se réduira pour les Grecs à une opération militaire, c’est-à-dire à une guerre intérieure, coûteuse, difficile, dont on ne pourra jamais apercevoir le terme. Quelque mesure qui soit prise, il faut qu’elle le soit par les deux gouvernemens, et qu’elle soit réalisée au même moment. On voit combien il est nécessaire, au lieu de chercher querelle à la Turquie sous quelque mauvaise inspiration du dehors, de s’entendre avec elle et d’agir en commun.

On agira ensemble, que fera-t-on ? Voici l’idée qui semble prévaloir et que je crois excellente. Les montagnes de la Grèce appartiennent, les unes aux particuliers, les autres à l’état ; mais les troupeaux n’appartiennent qu’aux bergers. Ceux-ci louent, soit pour la saison, soit pour plusieurs années, les pâturages des montagnes, paient le prix du loyer, et partent quand la saison les y oblige. Les mêmes